Tous solidaires !
La crise bat son plein. Le coronavirus frappe durement : déjà plus de 8000 décès en France avant même l’arrivée du pic prévu dans quelques jours. Les Français sont solidaires et le démontrent tous les soirs à 20h. De quoi mettre du baume au cœur de tous ces fantassins de la guerre contre le virus, dont nos aides à domicile, finalement reconnues par le Ministère comme faisant partie des agents prioritaires à protéger. Le début d’une reconnaissance nationale plus générale ?
Dans l’immédiat, la priorité est de se serrer les coudes entre professionnels afin de sauver le maximum de personnes âgées. Ce qui demande des moyens, de la coordination et surtout un esprit de solidarité sans faille, ce dans quoi le domicile excelle, nous ne le redirons jamais assez.
“Il y a 3 fronts d’égale importance : les gros hôpitaux avec services de réanimation, les Ehpad et le domicile” résume Marc Bourquin, conseiller stratégique à la FHF. Et pourtant, dans la réalité, les acteurs du domicile estiment être considérés comme « les derniers de la première ligne » pour reprendre l’expression d’Hugues Vidor, directeur général d’Adedom (ex-Adessadomicile), que cela soit pour des choses aussi terre à terre mais essentielles que la livraison de protections, où la sous-dotation des SAAD reste une réalité, ou pour la reconnaissance du rôle stratégique et crucial du secteur de l’aide à domicile.
Une considération qui tend heureusement à évoluer. Cabinet du Ministre, DGCS, CNSA sont sur le pied de guerre et en lien permanent avec les fédérations professionnelles qui fonctionnent elles-mêmes en cellule de crise. « 95% de l’activité de la fédération est tournée vers la gestion de crise auprès de nos adhérents pour de l’accompagnement juridique, économique et du soutien humain » explique Hugues Vidor. Car c’est non seulement sur les aides à domicile elles-mêmes que les pouvoirs publics et les personnes âgées peuvent compter mais aussi sur les directeurs des SAAD qui sont sur tous les fronts, dans un univers qui relève souvent de la débrouille.
Des directeurs et des cadres auxquels Thierry d’Abboville, secrétaire général de l’Union nationale ADMR veut aussi rendre hommage « c’est grâce à eux que l’activité continue de se dérouler sur le terrain, nous les appuyons au quotidien ». Une activité d’aide à domicile salvatrice contre l’isolement, surtout en milieu rural où aujourd’hui, le facteur sonne à peine une fois par semaine. Un rôle des SAAD qui devra être mieux reconnu et renforcé, ce à quoi devrait contribuer la mission confiée par Olivier Véran à l’ancien Député et Président de Conseil départemental, Jérôme Guedj, justement sur l’indispensable lutte contre l’isolement des personnes âgées.
Dans ce fonctionnement de crise avec une bonne dose d’empirisme, tout n’est pas encore calé. La responsabilité de l’employeur dans son obligation de protéger le salarié est une vraie inquiétude pour Hugues Vidor dans un contexte où il faut coûte que coûte aider les personnes vulnérables tout en protégeant ses salariés… mais sans forcément disposer du matériel nécessaire et sans doctrine clairement établie, la note de la DGCS du 2 avril laissant encore quelques zones d’ombre et les interprétations juridiques sur les obligations de l’employeur étant fluctuantes d’une Direccte à une autre. Même sentiment chez Dafna Mouchenik, présidente du Synerpa Domicile, « Nous ne pouvons-nous satisfaire d’un tel protocole, qui plus est lorsqu’il arrive 21 jours après l’annonce du confinement. Heureusement, nous n’avons pas attendu pour prioriser nos actions. Il nous faut maintenant des EPI complets pour intervenir au domicile de personnes infectées et ainsi éviter les hospitalisations ».
Une priorisation des interventions sur laquelle la CNSA travaille en appui du ministère, « parmi d’autres éléments de doctrine qui restent à clarifier » explique Stéphane Corbin, le directeur de la compensation, qui constate aussi la reconnaissance tardive de l’importance du domicile dans la crise, son manque d’approvisionnement en protections, les problèmes de priorisation ainsi que les disparités territoriales. Mais lui et d’autres voient également de nouvelles solidarités se créer entre SAAD sur des bases territoriales avec des systèmes de plateformes permettant de mutualiser les ressources pour pouvoir s’occuper des personnes âgées qui en ont le plus besoin et éviter les ruptures de prise en charge.
« Une solidarité qu’il y aura probablement besoin d’étendre aux EHPAD, dont le personnel risque d’arriver bientôt à l’épuisement » selon Stéphane Corbin. Après tout pourquoi pas ? Puisque les SAAD répondent toujours présent quand il faut être solidaire et que chacun s’accorde aujourd’hui pour dire qu’il faut faire tomber les barrières entre EHPAD et domicile. Mais il faudra pour cela faciliter la tâche des SAAD, symboliquement, juridiquement et économiquement. Car malgré l’effort financier considérable fait par l’Etat pour soutenir les entreprises, le secteur de l’aide à domicile devra faire l’objet d’une attention particulière. Stéphane Corbin explique d’ailleurs que « des réflexions sont en cours pour réorienter les 50 millions d’euros a priori dédiés aux CPOM, ainsi que les 20 millions supplémentaires annoncés par Olivier Véran le 26 février dernier, pour aider à surmonter cette période ».
Le tout avant de tirer l’ensemble des enseignements de la crise sanitaire. « Aujourd’hui, nous sommes les sacrifiés du médico-social, malgré cela, nous sommes au rendez-vous, j’espère que demain notre apport sera réellement compris par les pouvoirs publics » argumente Amir Reza-Tofighi, président de la Fedesap. Il sera en effet bientôt temps de se reposer certaines questions sociétales essentielles sur la valeur réelle des métiers, que l’on reconnait souvent dans le besoin – confiner une personne âgée dépendante sans SAAD serait tout simplement impossible – mais que l’on oublie trop vite ensuite.
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