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7 février 2023

Shitstorm : ça continue, encore et encore…

paru dans Le Mensuel des Maisons de Retraite

L'édito du Mensuel n°257

À une journaliste qui m’interrogeait récemment sur les conséquences, un an après, de la publication des Fossoyeurs, je me suis permis de répondre que ce livre avait d’abord, et avant tout contribué à créer une dramatique rupture de confiance entre les Français et leurs Ehpad.

Certes, l’ouvrage de Victor Castanet a eu d’autres vertus. Il a permis un large débat public sur la prise en charge des personnes âgées en Ehpad. Il a mis en exergue des pratiques clairement condamnables et/ou frauduleuses. Il a montré du doigt l’antagonisme qui pouvait exister parfois entre qualité des prestations et recherche d’un profit maximal. Il a dénoncé l’absence de contrôles et d’inspections en nombre suffisant ou le déficit structurel de personnels soignants.

Mais peut-on sérieusement estimer, un an après, que les pouvoirs publics ont apporté des réponses satisfaisantes aux défis posés par le livre de Victor Castanet ? Non, à l’évidence.

Le Gouvernement s’est cru quitte en sortant un plan d’inspection des 7 500 Ehpad que tout le monde considère totalement à côté de la plaque à commencer par les ARS elles-mêmes. Pis : alors que la question des ratios de personnel se posait plus que jamais, le même Gouvernement s’est abrité derrière la promesse présidentielle de 50 000 embauches sur 5 ans en la foulant aux pieds dès la première année puisque le PLFSS pour 2023 a prévu 3 000 recrutements au lieu de 10 000.

C’est dans ce contexte que Victor Castanet est réapparu fin janvier sur les écrans radars, auréolé d’un méga-succès commercial (plus de 170 000 exemplaires vendus) et professionnel (Prix Albert Londres 2022), avec une version des Fossoyeurs augmentée de 10 nouveaux chapitres. Rien de très fracassant dans cette édition de poche mais une explication minutieuse des acteurs qui ont fait pression avant, pendant et après la publication du livre.

Surtout, Victor Castanet a changé de ton. Sur France Inter, face à Léa Salamé, il a le 25 janvier répondu avec compréhension à une infirmière d’un Ehpad public qui se plaignait des effets dévastateurs qu’avait pu avoir le livre sur le moral de l’ensemble des professionnels. Pour avoir eu le plaisir de discuter avec lui en novembre lors de deux longs entretiens autour d’un café, j’ai senti qu’il avait parfaitement conscience des dégâts collatéraux qu’avait causé son livre. Et qu’il les regrettait sincèrement même si cela ne remettait évidemment pas en cause la légitimité des faits qu’il avait par ailleurs fort justement dénoncés. À l’évidence, dans le monde des Ehpad, il y aura un avant et un après-Les Fossoyeurs. Et c’est plutôt sain.

Mais il faut bien l’avouer : le livre a ouvert aussi le robinet du shitstorm contre les Ehpad. Désormais, et plus encore qu’avant, cibler les Ehpad, les considérer comme l’avant-dernière étape avant l’Enfer est devenu d’une totale banalité dans les médias. La diffusion de Zone Interdite ce 30 janvier en a rajouté une couche.

Qui a permis à l’avocate Sarah Saldmann, avec l’outrance vulgaire qui fait sa marque de fabrique, de proposer de mettre en loucedé des caméras cachées dans toutes les chambres d’Ehpad. Continuons comme ça et en 2030 les Ehpad seront vides. Mais vides de personnels.

 


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