Rapport Broussy : l’autre côté de la loi…
8 ans après le rapport sur l’adaptation de la société au vieillissement qu’il a remis à Jean-Marc Ayrault en 2013, trois ministres ont demandé à Luc Broussy de réactualiser ces sujets pour alimenter la loi.
Le 26 mai, Luc Broussy, président de France Silver Eco (et directeur de la publication que vous avez dans les mains) a remis un rapport intitulé « Nous vieillirons ensemble : 80 propositions pour un nouveau pacte entre générations » à trois ministres : à Brigitte Bourguignon, ministre déléguée à l’Autonomie, à Emmanuelle Wargon, ministre déléguée au Logement et à Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires.
C’est la première fois qu’un Rapport sur ce sujet était commandé par un trio de ministres ce qui, sur un thème qui consistait à explorer l’adaptation des logements, des villes, des mobilités et des territoires à la transition démographique, était plutôt bienvenu. Du coup, ce Rapport de 175 pages embrasse large : logement, habitat, urbanisme, territoires, mobilités, gouvernance… Car autant le Gouvernement était largement documenté sur la partie médico-sociale (Rapport Libault), sociale (Rapport El Khomri) et financière (Rapport Vachey), autant il y avait dans le projet de loi un « trou dans la raquette » sur les thèmes liés à l’adaptation au vieillissement.
Luc Broussy propose d’abord une vaste refonte du dispositif de soutien à l’adaptation de son logement partant du constat, dramatique, de plus de 9.000 personnes âgées de 65 ans et plus décèdent chaque année de chutes domestiques. Rappelons que 75% des seniors sont propriétaires de leur logement et que le maquis des aides est aujourd’hui aussi complexe qu’insuffisant. En proposant de « simplifier et massifier » ces aides, d’instaurer un dossier unique, d’intégrer cette enveloppe dans la 5ème branche, de systématiser la visite d’un ergothérapeute avant tous travaux, l’idée est d’industrialiser l’adaptation des logements. Dans le parc social également puisque 24% des locataires du parc HLM sont d’ores et déjà âgés de 65 ans et plus.
Il redéfinit également la notion de « chez soi ». Vieillir chez soi ce n’est pas forcément vieillir dans la maison qu’on détient depuis 40 ans avec escaliers et jardins et situés à 5 kilomètres de la première boulangerie. La génération née en 1945, qui a eu 23 ans en mai 68 et aura 85 ans en 2030 va progressivement vouloir vieillir et habiter autrement : déménagement en cœur de ville, installation dans une résidence services seniors, une résidence autonomie, un habitat partagé ou une résidence intergénérationelle. Voire même en Ehpad si celui-ci sait, demain, se réinventer. Le rapport milite notamment pour un vaste plan de rénovation des résidences autonomie aujourd’hui largement oubliées par les pouvoirs publics et plus encore par les bailleurs sociaux (cf. interview de Vincent Mahé dans ce numéro).
Mais vieillir dans un logement adapté ne vaut que si la ville, ensuite, se révèle bienveillante. Voiries, trottoirs, feux rouges, passages piétons, bancs publics, toilettes publiques : autant de sujets qui doivent désormais constituer des priorités pour les Maires. Luc Broussy propose d’ailleurs que le Label Ville amie des Aînés se développe et qu’il devienne un objectif pour tous les édiles. Mais le Rapport innove surtout en proposant que les grands programmes qui lient l’Etat et les territoires (programme Action de Cœur pour 222 villes de plus de 20.000 habitants et le programme Petites Villes de Demain qui concerne 1.600 villes de moins de 20.000 habitants) comptent une « brique » vieillissement : c’est ce qui permettra de penser la ville de demain et de prendre en compte la dimension démographique.
Télécharger le rapport « Nous vieillirons ensemble » |
Mais le rapport se termine par des propositions en matière de gouvernance. Pour enfoncer le clou de la nécessaire transversalité des politiques du vieillissement, Luc Broussy souhaite la création d’un Comité interministériel de la transition démographique (sur le modèle du Comité interministériel du Handicap) qui permettrait chaque année de réunir autour du Premier Ministre tous les ministres qui ont d’une manière ou d’une autre à faire avec la transition démographique (numérique, transports, logement, santé, économie…). Il propose également que les schémas gérontologiques – qui ne servent plus à rien aujourd’hui – soient remplacés par des schémas départementaux de la transition démographique, plaçant les Départements dans un rôle d’ensemblier stratégique sur leur territoire.
Ce sont ces éléments désormais que le Gouvernement compte instiller dans son projet de loi pour lui donner une coloration plus sociétale, moins strictement médico-sociale.
Constatant le désintérêt avec lequel les bailleurs sociaux traitent les murs de leurs résidences autonomie, le Rapport « Nous vieillirons ensemble… » propose qu’au moins 15% du Plan d’Investissement de la CNSA d’un montant global de 1,5 milliards soit consacré à ces établissements (soit 225 millions d’euros sur 5 ans) quand lors des 5 précédentes années le PAI n’a mobilisé que 60 millions d’euros pour les Résidences Autonomies.
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