Quelles propositions pour le financement de l’aide à domicile ?
Au cœur du débat depuis au moins dix ans, le sujet a été éclairé d’un jour nouveau par la multiplication des rapports sur le grand âge, par la crise sanitaire qui a montré le caractère indispensable des aides à domicile et, plus récemment, par la revalorisation salariale non consensuelle via le mécanisme de l’avenant 43.
Aujourd’hui, tout prouve le besoin d’un meilleur financement structurel du secteur, mais rien n’est défini sur le montant macroéconomique nécessaire, ni sur les mécanismes pertinents à activer. Fait notable, des propositions précises se font jour et permettre d’éclairer le débat. Petit décryptage.
Un système complexe et sous-doté
Partons des insuffisances du système actuel, particulièrement hétérogène. 20 ans après sa mise en place, il n’existe toujours pas de tarif socle pour l’APA, pas un département ne finance l’aide à domicile comme un autre, le CPOM est possible, mais facultatif, et ce qu’il finance est propre à chaque conseil départemental. Premier sujet donc : mettre de l’ordre, du cadre. Le tarif national de l’APA est un indispensable. Un regard rapide sur ce qu’il se passe dans les départements ayant opté pour des dispositifs de financement intéressants permet de montrer que ce tarif minimum ne peut pas être inférieur à 21 € de l’heure. C’est d’ailleurs le montant préconisé tant par le rapport Libault que par les conclusions du groupe de travail DGCS-CNSA.
Mais le sujet ne s’arrête pas là. Car ces 21 € sont à l’évidence insuffisants pour financer dignement l’aide à domicile, sauf à laisser un reste à charge particulièrement élevé au bénéficiaire, ce qui n’est évidemment pas souhaitable. Libault comme le tandem DGCS-CNSA proposent un 21€ + 3€ sous forme de prime horaire ou de dotation complémentaire versée en fonction de missions spécifiques. On arrive ainsi à un total de 24€, sous conditions donc, pas dans le cas général. Est-ce suffisant ? Toujours pas.
En effet, le tarif de 24€ correspond au point de départ des réflexions de la DGCS et la CNSA à travers l’étude confiée en 2016 au cabinet Ernst and Young, reposant sur des données de 2013 et arrivant, via un échantillon de SAAD différents, à un coût horaire médian de 23,55 euros et un coût horaire global de 24,24 euros. Or, en 8 ans, même avec une inflation faible, le coût actualisé peut difficilement être inférieur à 26€ aujourd’hui.
Des propositions sur la table
Ce serait moins selon l’UNA, qui a mis sur papier ses propositions en avril dernier dans un document intitulé « Quel modèle de SAAD pour demain ? ». Le coût horaire actuel de leur SAAD théorique est de 24,59 €, mais la fédération appelle de ses vœux la création d’un « SAAD de demain », renforcé sur 3 volets par rapport à l’actuel (l’intervention directe, le pilotage et les fonctions support, et la coordination des parcours). Le coût horaire de ce SAAD à venir serait de… 32,17 €, soit très au-dessus des 26€ évoqués plus haut. Le financement supplémentaire, non estimé en termes d’enveloppe globale, serait à assurer dans le cadre de la nouvelle branche autonomie.
Autre proposition sur la table, celle de l’intersyndicale FESP – FEDESAP – SYNERPA Domicile. Elle est plus proche de celles de Dominique Libaut et de la DGCS-CNSA, en reposant sur un double niveau de financement, mais ce n’est plus 21 € + 3 € qui sont proposés mais 23€ + 3,5€, complément versé sous forme de dotation globale dans le cadre de la branche autonomie. Soit un tarif global de 26,5€… qui passerait à 30€ à horizon 2025. Une mesure qui couterait selon l’intersyndicale près d’1,4 milliards. Une hypothèse qui parait quelque peu sous-estimée pour une hausse du coût horaire de plus de 6€ par rapport à la moyenne de l’APA actuelle.
Que retenir de cela ? Que l’aide à domicile ne peut pas être correctement financée en-dessous de 25-26€ de l’heure aujourd’hui, avec une évolution dans les 5 ans à venir vers les 30€. Que le coût global d’une telle évolution se chiffre à près d’1,5 milliards et peut atteindre les 2 milliards selon l’ambition donnée à la mesure. Que la dotation globale, au moins en partie, gagnerait à monter en puissance pour financer les coûts cachés et autres temps de formation, préparation et coordination. Enfin, que l’aide à domicile et son financement, doivent être regardés, non comme un coût net, mais comme un investissement, correspondant aux attentes des Français et évitant par son effet préventif l’institutionnalisation et l’hospitalisation dont le coût est bien plus élevé.
Patrick Haddad
Rédacteur du Journal du Domicile
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