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23 décembre 2021

Quel service public de l’autonomie ?

paru dans Le Journal du Domicile

L’expression est revenue dans le débat public via une tribune de Clément Carbonnier dans Le Monde, le 4 juin dernier, titrée « Il est primordial de développer un véritable service public de la prise en charge de la perte d’autonomie ».

L’économiste y pointait notamment l’insuffisance des dispositifs d’allocation actuels, pour permettre l’accès universel des personnes en perte d’autonomie aux services et soins indispensables. Mais l’expression a pris une tout autre dimension quand c’est le Président de la République qui l’a employée lors de son allocution télévisée du 9 novembre dans ces termes « nous sommes en train de construire pas à pas un véritable service public de l’autonomie pour nos aînés ».

Une phrase aux allures d’exercice de rattrapage suite à l’abandon, presque en rase campagne, de la loi Grand âge et l’autonomie, qui aurait dû être une loi marquante du quinquennat mais qui serait, selon des propos attribués au Président, inséparable de la loi sur les retraites. Le « pas à pas » dans la phrase présidentielle a aussi son importance. Car c’est bien cette approche par touches successives qui est privilégiée aujourd’hui, avec ses apports mais aussi ses manques. Côté apports, on n’oubliera pas de souligner les efforts faits via les PLFSS successifs, notamment celui de 2022 qui consacre les financements liés à la validation des avenants 43 et 44 de la convention collective de la branche de l’aide à domicile, ainsi que ceux liés au passage au tarif socle de 22€ de l’heure.

Coté manques, c’est des faux-pas dont il faut se méfier. Les quatre fédérations associatives ont dans un communiqué commun soulevé plusieurs points d’inquiétude relatifs au financement de l’avenant 43 par les Conseils départementaux. Rappelons que ces derniers ont purement et simplement été mis devant le fait accompli par l’Etat qui leur a imposé ce co-financement paritaire. Or, forcément, sans consentement, quelques frictions étaient à prévoir. Le communiqué en question, daté du 9 décembre, dénonce ainsi une prise en charge de l’impact financier de l’avenant 43 « incomplète, voire incertaine, pour une partie des conseils départementaux, imposant ainsi aux structures associatives une charge financière que toutes ne pourront pas supporter. Pire, trois départements refusent de prendre en charge cette revalorisation. Autre donnée très inquiétante, plus de la moitié d’entre eux à ce jour ne financeraient pas l’impact de l’avenant 43 sur les rémunérations des salariés de la branche travaillant dans le cadre de l’ASE ou de la PMI ».

Autre motif d’inquiétude, la création de « services autonomie à domicile », acteurs indispensables du service public de l’autonomie, mais dans la version du PLFSS, seuls les SPASAD pourraient correspondre à cette appellation. Or, cela apparait à la fois restrictif et dévalorisant pour les SAAD qui sont, bien plus souvent que tout autre ESSMS et sur la plupart des territoires, le dernier maillon de la chaine, celui qui accompagne toute personne en perte d’autonomie à son domicile. Quant au modèle économique, chacun s’accorde à dire, les fédérations d’entreprises d’aide à domicile comprises, que malgré les avancées du « 22 € + 3 € optionnels en fonction d’engagements qualité spécifiques », reste une proposition non aboutie, ne correspondant pas au coût réel d’une heure de service, qui est à minima de l’ordre de 25€, et ce dans le cas général.

Enfin, une autre contribution est venue enrichir le débat dans cette séquence, et pas des moindres. En effet, Dominique Libault, auteur du rapport de 2018 sur la loi grand âge et actuel président du Haut Conseil du financement de la protection sociale, et Olivier Richefou, nouveau vice-président de l’ADF en charge du Grand âge, ont ensemble, dans La Tribune du 8 décembre, enfoncé le clou sur deux sujets. Premièrement, « une loi de financement ne peut et ne pourra jamais porter des réformes structurantes d’organisation s’inscrivant dans la durée et la stabilité indispensable aux politiques publiques » affirment-ils. En d’autres termes, ils ne croient pas au « pas à pas ». Tôt ou tard, et le plus tôt sera le mieux, il faudra une grande impulsion que seule une loi dédiée sera à même d’apporter. Deuxièmement, et c’est le message principal des auteurs, le service public de l’autonomie ne peut être qu’un service territorialisé. Pourquoi ? En résumé, parce que la lisibilité de l’offre et la construction de parcours de soins ne peut se jouer que sur des bases locales, et l’articulation entre les ARS, les Conseils départementaux et la CNSA doit être pensée de façon systémique, précise et concertée.

De l’intention à la réalisation, le chemin du service public de l’autonomie reste encore long. Il demandera ambition, moyens et concertation. Et a priori, encore un peu de patience.


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