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11 janvier 2022

Psychomotricité en Ehpad : une évidence pas si évidente

paru dans Le Mensuel des Maisons de Retraite

Née en France à la fin des années 50, la psychomotricité est réellement entrée dans les Ehpad il y une dizaine d’années, sous l’impulsion notamment du Plan Alzheimer 2008-2012. Zoom sur cette profession dont tous reconnaissent les bénéfices mais qui manque encore de lisibilité.

Créée en France à la fin des années 50 par la kinésithérapeute Gisèle Bonvalot-Soubiran et le neuropsychiatre et psychanalyste Julian de Ajuriaguerra, la psychomotricité s’est depuis largement répandue et professionnalisée. Aujourd’hui, le psychomotricien, titulaire d’un diplôme d’État de niveau III, est reconnu comme un auxiliaire de médecine, il travaille dans le cadre d’une équipe pluridisciplinaire et sur prescription médicale. Sa mission ? Permettre à la personne de mieux maîtriser son corps et d’améliorer ainsi son comportement en s’intéressant aux interactions entre sa motricité, sa sensorialité, sa cognition et son psychisme dans leur contexte émotionnel et relationnel.

Spécialité de la rééducation des troubles de l’orientation dans le temps ou dans l’espace et des dysfonctionnements moteurs, la psychomotricité trouve donc très naturellement sa place en Ehpad. Mais concrètement, qu’y fait un psychomotricien ?

Cécile Decorsière, Psychomotricienne auprès de personnes âgées depuis son diplôme en 2004 et administratrice au Syndicat National d’Union des Psychomotriciens (SNUP) donne deux exemples. « Sur la gestion d’un syndrome post-chute, le psychomotricien n’a pas « une » bonne solution, il va essayer de trouver à sa façon comment la personne va bien sentir ses appuis, il va utiliser de la relaxation, des stimulations, le mettre pieds nus, etc. Il va chercher à lui redonner confiance. C’est complémentaire du kiné, notamment s’il y a une fonte musculaire, et d’ailleurs, c’est souvent le kiné qui nous appelle ».

Sur les troubles du comportement « le psychomotricien est un spécialiste de la communication non verbale, on va donc essayer de comprendre l’origine des troubles. Il arrive par exemple que les équipes soignantes nous appellent pour observer des toilettes difficiles, on essaie alors d’évaluer ce qui pose problème, de trouver ce qui fait que ça peut marcher, comme mettre de la musique, changer de positions ».

Très utile auprès des personnes âgées, la psychomotricité l’est donc d’autant plus auprès de celles souffrant de troubles cognitifs comme la maladie d’Alzheimer. C’est d’ailleurs le Plan Alzheimer lancé en 2008 par Nicolas Sarkozy qui fut l’élément déclencheur de l’engouement des Ehpad pour cette profession. « Ce plan avait mis en avant l’opportunité d’une augmentation de ces professionnels pour répondre aux besoins liés au vieillissement de la population et à l’explosion des maladies neurodégénératives. A partir de là, des mesures ont été prises pour augmenter le quota de diplômés mais aussi adapter les formations à cet accompagnement », explique Nicolas Raynal, le secrétaire général de la Fédération Française des Psychomotriciens.

La nécessité d’y voir plus clair

L’utilité de la profession n’est donc plus à prouver mais sa parfaite intégration au sein des équipes n’est pas automatique pour autant. Pour Cécile Decorsière, en effet, « c’est une profession jeune, on a encore besoin de promouvoir ce que l’on est. Souvent je dis aux soignants : on est des spécialistes de la communication non verbale, on n’est pas dans le geste technique, on a le temps d’observer et donc on est là pour essayer de vous donner des billes mais surtout pas pour vous évaluer ».

« Un travail pédagogique, d’appropriation voire même d’acculturation des soignants à cette profession qui est arrivée beaucoup plus tard que les kinés et les psychologues en Ehpad doit donc être mené » suggère Louis Martinet, psychomotricien de formation qui a ensuite évolué sur des postes de direction en France et en Chine, avant d’être chargé de mission pour l’intégration des nouveaux établissements au sein du groupe Colisée. Mais ce travail de pédagogie trouverait aussi son utilité auprès des directions, qui sont parfois tentées de réduire la mission du psychomotricien à son profil rééducateur et par conséquent à l’amalgamer avec d’autres. Ce constat, les fédérations de psychomotriciens (FFP) et d’ergothérapeutes (ANFE) l’ont fait aussi, notamment en voyant paraitre des offres d’emploi au sein d’Ehpad qui recherchent « un psychomotricien ou un ergothérapeute », comme si ces deux professions pouvaient répondre au même besoin. Pour venir à bout de cette confusion et évangéliser le secteur, les deux fédérations ont récemment monté un groupe de travail autour de la complémentarité entre ces professions.

Mais malgré ce manque de lisibilité, tous sont unanimes sur l’indispensabilité du psychomotricien en Ehpad. Pour le Dr Paul Emile Hay, directeur médical France de Colisée : « Quand on n’a pas de psychomotricien, on est obligé de faire sans mais quand c’est possible d’en avoir (comme c’est le cas dans près d’un quart des établissements du groupe), c’est une chance de pouvoir s’appuyer sur cette compétence, auprès des résidents mais aussi auprès des équipes ! Le psychomotricien peut expliquer, faire passer des messages auprès des non cadres, montrer le chemin, l’exemple, ils vont expliquer, expliciter tel trouble… On a besoin des psychomotriciens dans les Ehpad, il n’y a aucun doute là-dessus ».

L’attractivité, toujours

Et pourtant, le psychomotricien n’est pas encore un poste généralisé en Ehpad. Certes, depuis quelques années, les ARS acceptent plus facilement de financer ces postes sur la section soins mais encore faut-il avoir des marges sur la dotation. En 2015, selon l’enquête EHPA de la Dress, les psychomotriciens étaient 1 496 en Ehpad, et représentaient 915 ETP. Nul doute que ce chiffre a augmenté en 6 ans, mais sans pour autant que le psychomot’ ne se généralise partout car au-delà de la question des financements se pose évidemment la question du vivier.

En 2019, on dénombrait 13 600 professionnels exerçant en France, dont 90% de femmes, qui avaient en moyenne 40 ans. Parmi eux, un quart sont en libéral, un quart en milieu hospitalier et la dernière moitié salariés dans d’autres structures, dont les Ehpad. Ce sont par ailleurs 1 100 nouveaux diplômés qui arrivent sur le marché chaque année et, selon Nicolas Raynal, un tiers qui se dirige vers les établissements pour personnes âgées, « par vocation mais aussi par opportunité ! ».

Pour Cécile Decorsière, ce fut une histoire de vocation. Ce n’était pas son projet initial mais après avoir découvert cette partie du métier lors d’un stage en Ehpad (il y a des stages obligatoires auprès du public âgé dans le cursus de formation), elle a décidé de faire son mémoire de fin d’étude sur le sujet… et ne l’a plus jamais quitté. Elle souligne tout de même que « même si le métier commence à être de plus en plus répandu en Ehpad, ça n’est pas très attractif, les jeunes diplômés préfèrent aller vers le secteur du handicap et des enfants en particulier et les temps partiels proposés en Ehpad n’aident pas ! ».

Et oui, on en revient toujours au même sujet : l’attractivité. Et comme pour les autres métiers, une partie de la solution réside dans la formation. Pour les psychomotriciens, c’est un combat depuis de nombreuses années : « La réingénierie des professions de santé a débuté en 2008 et vise à réactualiser les contenus de formation et les champs d’intervention de chaque métier concerné, dans le cadre de la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat) voulue par l’Europe. Or, depuis quatre ans, la réingénierie de la profession de psychomotricien est interrompue par les Ministères concernés. On se bat aujourd’hui pour une réouverture des travaux de réingénierie et pour que la formation initiale des psychomotriciens soit portée à 5 années d’études assortie du grade Master », explique le secrétaire général de la FFP.

Ce défi de l’attractivité, le Synerpa s’en est saisi aussi en signant en 2015 avec l’Institut supérieur de rééducation psychomotrice une convention – la première en la matière – avec pour objectif 500 contrats d’alternance signés en 5 ans au sein des établissements adhérents. Et début décembre, lors de son grand Zapping 2021, le syndicat des établissements privés a renouvelé son engagement en prolongeant la convention pour former cette fois 1 000 psychomotriciens en Ehpad en alternance sur trois ans. Tout ça va donc plutôt dans le bon sens.

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