« Ouvrir les portes, voilà ce qui nous fait peur… »
Plusieurs membres du personnel de l’Ehpad de Vilanova à Corbas, dans le Rhône, ont fait le choix de se confiner avec les résidents depuis le 18 mars pour éviter l’entrée du virus. Vanessa Robert, la cadre de santé de l’établissement, raconte cette aventure pas ordinaire.
Pour faire face à la crise sanitaire inédite que traverse notre pays et protéger leurs résidents, plusieurs Ehpad de France ont choisi, dès le début de la crise, de se confiner avec leurs résidents afin de maintenir l’établissement COVID négatif. C’est le cas de -l’Ehpad Vilanova situé dans le petit village de Corbas, près de Lyon (Rhône). Les équipes de cet établissement de 108 résidents ont ainsi décidé, à l’initiative de Valérie Martin leur directrice, de se cloisonner à partir du 18 mars avec les résidents. « Cela a été une décision collective et seules 29 d’entre nous ont participé au début de cette aventure », raconte Vanessa Robert, la cadre de santé de Vilanova. Ainsi, depuis plus d’un mois, les équipes vivent ensemble 24 h sur 24. Une situation pas si simple à bien des égards, mais totalement assumée. « Tout ceci n’est pas facile à vivre, car nous sommes sur le pont 7 jours sur 7, alors on se réserve des petits temps de pause durant la journée. Et puis, la distance avec les proches est parfois douloureuse. Certaines nous ont d’ailleurs quitté pour aller les retrouver. C’est compréhensible, mais nous ne regrettons pas notre choix. »
Sérénité
En effet, ce confinement collectif, même s’il est un peu lourd parfois, présente de nombreux avantages. Parmi les effets les plus évidents, la sérénité des équipes arrive en tête. « En cette période de confinement, les allers et venues au sein de l’Ehpad génèrent de la peur en raison de l’état de fragilité de nos résidents. En nous confinant, c’est un risque en moins que nous prenons. » Mais ce n’est pas tout. Ne pas s’enfermer, c’est aussi éviter les absentéismes. « Vu de l’extérieur, le fait de se confiner pendant aussi longtemps doit être épuisant, mais ça l’est beaucoup moins que de gérer les inévitables absences et les remplacements avec toutes leurs conséquences, en particulier en situation de crise comme celle que nous traversons. Plus le temps passe, plus nous sommes soudées et il y a beaucoup d’entraide entre nous. Il m’arrive par exemple de faire un peu de ménage, alors que normalement, cela ne rentre pas dans le cadre de mes missions. »
Des soutiens de toutes parts
L’autre grand bénéfice de ce confinement est le bien-être des résidents. « Nous avons essayé de les confiner dans leurs chambres durant deux jours, mais cela n’était vraiment pas concluant. Nous avons donc rétabli toutes les activités collectives, notamment les repas et les animations et cela contribue à leur équilibre. Pour eux, la situation est presque normale ». Un atout de poids qui permet d’éviter les effets de stress ou de dépression pouvant rapidement conduire à des situations complexes chez les personnes âgées. Bien évidemment, ce confinement collectif implique une certaine réorganisation, notamment pour la fourniture de matériel et de nourriture, mais après quelques réglages, tout semble au point maintenant. L’établissement avait dès le début du confinement un stock de matériel lui permettant de gérer une crise et bénéficie du soutien permanent d’un médecin traitant qui prend régulièrement des nouvelles pour rassurer le personnel soignant présent sur place. Le pharmacien le plus proche s’est également mobilisé pour mettre à la disposition du personnel tout ce dont il a besoin.
D’autre part, le fait que tout le monde soit confiné depuis des semaines limite la nécessité de consommer du matériel de protection. Pour la nourriture, des sacs contenant toutes les denrées nécessaires sont déposés chaque jour dans un SAS, puis ensuite récupérés après une journée pour éviter toute contamination et le personnel peut compter sur un véritable élan de solidarité. « Ici, nous sommes dans un village alors tout le monde met la main à la pâte, comme le boulanger, qui nous donne ses invendus ou encore des collègues de l’extérieur, qui nous apportent des colis. On ne pensait pas que cela irait jusque-là. » Mais en dépit de toutes ces marques de soutien, Vanessa Robert souhaite rester lucide : « Nous sommes bien conscientes que nous ne sommes à l’abri de rien et que les choses peuvent très rapidement se compliquer, surtout quand on connaît la situation catastrophique de certains Ehpad en France. » Une crainte qui les fait beaucoup hésiter quand elles envisagent d’ouvrir à nouveau leurs portes, peut-être le 3 mai prochain…
Les deux Ehpad charentais qui avaient également décidé de se confiner avec leur personnel ont mis tous deux fin à l’aventure, mais pour des raisons différentes. L’Ehpad Le Château de Cressé à Bourg-Charente a déconfiné son personnel le 11 avril sans regret et estimant que cette aventure a permis de gagner trois semaines de protection pour les résidents.
Pour ce qui est de l’Ehpad Bergeron-Grenier à Mansle confiné depuis le 24 mars, les choses sont un peu différentes. Après avoir demandé le soutien de l’ARS Nouvelle-Aquitaine pour tester une équipe relais visant à assurer un renouvellement de personnel, le directeur s’est heurté à une fin de non-recevoir, l’Agence l’appelant à prendre ses responsabilités. Le déconfinement a donc pris fin le 14 avril… Bref, le confinement des personnels, cela ne plaît pas à tout le monde…
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