Motivation des équipes : quels leviers d’actions pour le manager ?
Dans la continuité de la fiche publiée cet été sur la culture professionnelle en Ehpad, nous vous proposons ce mois-ci d’aborder un sujet aussi difficile qu’essentiel à maitriser pour les managers que vous êtes : la motivation de vos équipes.
Derrière la question de la motivation au travail se cache celle, hautement philosophique, de la valeur du travail. Un débat qui peut nous occuper durablement tant le champ des interrogations est large : Faut-il donner une certaine valeur au travail pour être motivé ? Le travail est-il une valeur, ou plus simplement, le travail est-il un moyen ou une fin ? Le travail est-il une vertu ? Indéniablement, il existe autant de réponses à ces questions que d’individus dans une équipe et c’est la raison pour laquelle, pour un manager, la vraie question à se poser est la suivante : Comment motiver au travail mes collaborateurs, mes équipes ?
La motivation peut être définie comme « le processus psychologique responsable du déclenchement, du maintien, de l’entretien ou de la cessation d’une conduite. Elle est en quelque sorte la force qui pousse à agir et penser d’une manière ou d’une autre ».
Evidemment, lorsque l’on aborde la question de la motivation au travail, surgit la question de l’argent… pour aussitôt disparaitre. L’argent n’est en effet pas ce qui peut mouvoir durablement et surtout dans une mission d’accompagnement de personnes en situation de vulnérabilité. Autrement dit, le travail est un moyen de gagner de l’argent, nécessaire pour subvenir aux besoins et satisfaire des envies. L’argent rend « motivable », dans le sens où il permet de répondre aux besoins, mais il ne peut constituer l’élément de motivation.
La valeur ajoutée du manager est de s’appuyer sur les autres raisons que les salariés ont de venir travailler. Pascal nous dit « Tous les hommes recherchent d’être heureux… C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes. Conclusion : s’ils viennent travailler ici, c’est qu’ils y trouvent en un sens un certain plaisir, un certain bonheur. La motivation est le moteur, ce qui meut. Et, comme l’affirme Aristote, la force motrice c’est le désir. L’intelligence sert à choisir les moyens, mais ce qui met en mouvement, ce qui motive, c’est le désir.
C’est donc sur ce désir, à l’origine de la motivation, que le manager doit pouvoir travailler et mobiliser son énergie. Or, on le sait, le manager, le directeur, le cadre, l’Idec ou encore le Medec est souvent (et tout particulièrement en ces temps particuliers de crise sanitaire) accaparé par la planification, l’organisation, la gestion du risque, etc… Autant de tâches qui sont essentielles dans les missions du manager, mais qui ont tendance à occulter le rôle de motivation que ce dernier devrait endosser.
Notons par ailleurs ici la spirale négative qui s’opère alors lorsque, trop occupé à organiser et planifier, le manager ne dynamise pas la motivation de l’équipe qui s’épuise et se démotive… entraînant absentéisme et turn-over, qui vont conduire le manager à se centrer encore plus sur l’organisation du planning et des remplacements et consacrer encore moins de temps à la motivation de l’équipe. Un cercle vicieux se met alors en place.
Selon Spinoza, le désir est l’essence même de l’Homme. Nous sommes des êtres de désir. Par conséquent le manager doit être un professionnel du désir de l’autre, du désir de son équipe. Se pose alors la question de la définition du désir, pour laquelle s’affrontent deux approches. Selon Platon, l’homme désire ce qu’il n’a pas et sitôt le manque satisfait, le désir disparait. Pour Spinoza, en revanche, le désir est puissance et jouir en puissance. Autrement dit, le désir est une joie qu’accompagne l’idée d’une cause extérieure. C’est se réjouir de quelque chose d’extérieur. Ce pourrait être se réjouir du travail accompli, se réjouir des relations dans le travail.
Qu’arrive-t-il si l’on transpose ces deux visions à la motivation d’une équipe ? Chez Platon, les équipes courent vers ce qu’elles désirent, l’argent, les horaires, le planning, etc. et sitôt obtenus la motivation disparait. Platon nous met donc en garde : il ne faut pas tout attendre de la revalorisation des salaires ou du nouveau planning car une fois obtenus, le manque disparait et le désir avec. La motivation n’est plus. Chez Spinoza les équipes se réjouissent de faire ce métier-là. Spinoza invite les managers à créer les conditions de la réjouissance, de la joie, et à trouver ce qui ne manque pas mais qui réjouit. Qu’est ce qui réjouit les équipes dans leur travail ? Qu’est-ce qui leur donne le sentiment d’être plus heureux en travaillant ici qu’ailleurs ?
On retrouve ici une notion devenue quotidienne pour les managers en Ehpad : la question de la qualité de vie au travail, la fameuse « QVT ». Cette QVT donne lieu à des audits, des préconisations, des plans d’actions. Il est bien difficile de la mesurer, mais tout le monde s’accorde pour dire qu’elle est un reflet de la motivation des équipes et que les indicateurs turn-over et absentéisme permettent en partie de l’évaluer. Partant de ce constat, comment une équipe d’encadrement peut-elle s’y prendre pour améliorer cette QVT et par là, la motivation des équipes ?
A partir de là, un travail en 3 temps peut être engagé. Ces 3 étapes sont à l’image des 3 étages d’une fusée : il n’est pas possible de travailler le deuxième étage sans avoir travaillé le premier et de travailler le troisième sans avoir travaillé les deux premiers. Que recouvrent ces 3 temps ?
#1
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S’interroger sur la motivation des managers eux même. En premier lieu et même si cela semble une évidence quand on le dit, ça ne l’est pas souvent dans la réalité : une équipe d’encadrement ne peut faire naître du désir, de la motivation si elle n’en a pas elle-même. Ainsi, le premier conseil que l’on peut donc adresser aux managers, aux équipes d’encadrement, serait de s’interroger sur leur propre motivation.
#2
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Utiliser le projet d’établissement à bon escient. En second lieu, il convient d’analyser le travail fait autour du projet d’établissement, de son effectivité au quotidien, du sens qui est donné à ce qui est fait et à ce qui est demandé. L’objectif n’est évidemment pas de le faire pour l’ARS ou le conseil départemental, pour l’audit, mais de réaliser un travail qui a un sens pour les résidents qui sont accompagnés, pour leur entourage et pour les professionnels.
#3
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Se concentrer sur ce qui anime individuellement chaque professionnel. Et enfin, et c’est sans doute le plus exigeant et ce qui demande le plus de temps et de savoir-faire : aller chercher chez chacun des collaborateurs ce qui l’anime dans sa mission. Cela demande à la fois du temps, mais également une acuité particulière pour comprendre l’écologie interne de chacun et identifier ce qui le meut et ce qui le bloque dans sa motivation, dans son bonheur au travail. Et parfois cela demande d’aller chercher une cause qui est extérieure à l’établissement.
La motivation de l’équipe est une magnifique mission du manager, sans doute la plus belle. Elle a ça de beau qu’elle permet de mobiliser ce qu’il y a de meilleur dans chaque membre de l’équipe pour proposer un accompagnement de qualité au résident. Dans le même temps, cette mission permet à chaque collaborateur de se sentir heureux dans son travail et par le travail qu’il produit. C’est une dynamique vertueuse qui s’autoalimente.
Bon nombre dirons « Ah ! mais si c’était si simple ». C’est vrai, ce n’est pas si simple, mais ce n’est pas si complexe non plus ! En revanche, c’est un peu long à installer. Comme souvent, c’est l’inertie entre les actions et leurs résultats visibles qui explique le renoncement. Pour une équipe d’encadrement, le travail sur la motivation des professionnels est un travail qui nécessite une stratégie sur 2 à 3 années pour mesurer des effets visibles notamment sur le turnover et l’absentéisme. Espérer des résultats mesurables à l’échelle d’un semestre ou même une année n’est pas réaliste. Cette ambition appelle donc aussi de la part du manager une certaine patience et une persévérance certaine.
Laurent Viale
Consultant, fondateur de LV Conseils
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