
Médicalisation des Ehpad :
3 questions au Pr Claude Jeandel
En juillet dernier, Claude Jeandel, coordonnateur du Département hospitalo-universitaire de gériatrie du CHU de Montpellier, et Olivier Guérin, chef du pôle gériatrie du CHU de Nice ont remis à Brigitte Bourguignon leur rapport intitulé « unités de Soins de Longue durée et EHPAD ». Ce dernier formule 25 recommandations pour « une prise en soins adaptée des patients et des résidents afin que nos établissements demeurent des lieux de vie ».
Sous l’impulsion de ce document, le ministère vient d’annoncer la préfiguration d’une « feuille de route ministérielle à horizon 2023 », confiée à Marc Bourquin, conseiller stratégie à la FHF et à Claude Jeandel. L’occasion de revenir avec celui-ci sur ce que sont, selon lui, les enjeux autour de la médicalisation des Ehpad.
« Mieux médicaliser » passera nécessairement par une augmentation du temps médical ?
Parmi les mesures incontournables, la généralisation du tarif global ou plutôt la réintroduction du libre choix de l’option tarifaire constitue une des priorités. En matière d’organisation médicale, la mission recommande de consolider le modèle actuel en l’adaptant aux spécificités et ressources médicales du territoire et de préfigurer un nouveau modèle d’organisation s’appuyant sur une fonction médicale salariée conjuguant les fonctions cliniques et de management, ces dernières intégrant les missions transversales qu’assurent actuellement les médecins coordonnateurs. Le temps médical requis assorti à cette fonction médicale se rapprocherait ainsi de celui des unités de soins de longue durée, soit 0.5 ETP pour 30 résidents.
Nous recommandons par ailleurs la reconnaissance par décret de la fonction d’IDEC sur la base d’un référentiel métier national ainsi que la promotion des infirmières en pratique avancée (IPA) en gérontologie en mutualisant cette fonction au sein d’un groupe de plusieurs EHPAD. L’IGAS, dans son récent rapport, n’a pas formulé de recommandation sur ce sujet, qui constituera une des mesures phares à inscrire à la feuille de route.
La médicalisation implique également une augmentation des ratios en personnel soignant à la condition que ces postes soient occupés. Ce n’est donc pas qu’un problème de financement mais aussi et surtout un enjeu d’attractivité.
Autre point très important : la permanence des soins, que l’Ehpad n’est pas en mesure d’assurer aujourd’hui. Il faut pour cela instaurer rapidement une présence IDE 24h /24, en généralisant dans un premier temps l’astreinte de nuit IDE.
Mais pour revenir à votre question, mieux médicaliser ne passera pas que par le temps médical, il implique également le renforcement d’autres fonctions, paramédicales notamment.
Justement, dans votre rapport, vous préconisez de donner une plus grande place à d’autres professionnels comme les psychologues, les psychomotriciens ou les ergothérapeutes. Pourquoi cela n’a pas été fait jusque-là selon vous ?
Ce sont en effet 3 ressources essentielles mais sous utilisées en Ehpad aujourd’hui.
Les psychologues sont indispensables mais leur temps de présence doit être significativement majoré pour tendre vers un temps plein au regard des fonctions essentielles qu’ils doivent exercer auprès des résidents mais aussi des familles et des professionnels.
Les ergothérapeutes exercent un rôle également essentiel, complémentaire de celui des kinésithérapeutes. Ces deux métiers doivent voir leur représentation significativement renforcée au sein des EHPAD afin de prévenir l’aggravation de la perte d’autonomie fonctionnelle, quelle qu’en soi(en)t la ou les affections causales. Cet objectif relève également de la fonction d’éducateur APA (activité physique adaptée) qui apporte une contribution spécifique en matière d’activité physique.
Les psychomotriciens évaluent les fonctions sensori-motrices, perceptivo-motrices, tonico-émotionnelles et psychomotrices dans le but de restaurer l’action commune des fonctions motrices, psycho-affectives et cognitives qui peut s’avérer essentielle chez un certain nombre de résidents d’EHPAD.
L’orthophoniste est également un métier majeur au regard de la fréquence des troubles des fonctions langagières mais également des troubles de la déglutition exposant aux pneumopathies d’aspiration. Chaque résident devrait pouvoir bénéficier d’un bilan orthophonique afin de recourir à la texture alimentaire la plus adaptée.
Pour permettre à chaque Ehpad de bénéficier de ces compétences expertes, il faut mutualiser bien plus qu’on ne le fait aujourd’hui… d’où l’intérêt du fonctionnement en plateformes de ressources !
Dans votre Rapport vous soulignez que « c’est parce que l’Ehpad reste un lieu de soin qu’il reste un lieu de vie ». Pensez-vous que le renforcement de la médicalisation soit vraiment compatible avec l’Ehpad lieu de vie ?
Les Ehpad accueillent des personnes de plus en plus âgées, dépendantes et polypathologiques. Ils doivent donc, tout comme le domicile, renforcer leur offre de soins tout en demeurant des lieux de vie offrant des services adaptés et personnalisés, favorisant le lien social et une ouverture sur l’environnement proche.
Il devient donc impératif de sortir de cette vision dichotomique qui oppose trop souvent les notions indissociables de lieu de vie et de lieu de soin. Quelle signification peut revêtir le concept de « lieu de vie » chez un résident percevant inconfort voire souffrance psychique ou somatique pourtant accessible à une prise en soin adaptée ? ou encore chez un résident en situation de défaillance d’organe qui ne bénéficierait pas des progrès thérapeutiques pouvant améliorer sa qualité de vie et son pronostic vital ? Devrait-il en être soustrait parce qu’il réside en Ehpad ? Ne s’agirait-il pas là d’un préjudice ou d’un désavantage s’apparentant à de l’âgisme ?
Pour débattre de ces enjeux, Claude Jeandel et Marc Bourquin seront présents aux Assises des soins.
Alors, n’attendez plus :
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