L’Ordonnance du 25 mars 2020 : des garanties pour se concentrer sur l’essentiel
Dans le contexte de l’épidémie Covid-19, le Ministère des Solidarités et de la Santé a récemment publié une ordonnance1 concernant l’adaptation des règles d’organisation et de fonctionnement des établissements sociaux et médico-sociaux.
Destinée à instaurer des mesures visant à assurer la continuité de l’accompagnement tout en protégeant les publics fragiles, cette ordonnance peut paraître assez indigeste. Nous vous proposons donc un premier décryptage de ce texte et des aménagements qu’il apporte.
En premier lieu, mettre en œuvre les conditions de sécurité
L’ordonnance offre la possibilité pour les ESMS (et les lieux de vie et d’accueil) d’assouplir leurs conditions d’organisation et de fonctionnement et de dispenser des prestations non prévues dans leur autorisation, avec toutefois un seul impératif : celui de maintenir les conditions de sécurité suffisantes.
Les campagnes de communication successives sur les gestes barrières, tantôt du Ministère, tantôt des ARS, relayées par les fédérations et les différents acteurs du secteur ont permis d’intégrer pleinement ces gestes au quotidien des équipes et des résidents. Vous avez même croulé sous les recommandations successives : parfois complémentaires… parfois divergentes, au gré des avancées des connaissances du virus ! L’une de vos premières obligations a été de mettre à jour votre Plan Bleu pour prendre en compte le risque Covid-19, puis de l’activer, tout comme votre Plan de Continuité de l’Activité (PCA).
Au rythme des nouvelles recommandations publiées, nous vous conseillons de consulter régulièrement le site du Ministère de la Santé et de la Solidarité qui dispose d’une page dédiée au Covid-19 à destination des ESMS. Avez-vous bien pris connaissance de l’ensemble des publications disponibles à ce jour ?
La note complémentaire à l’attention des directeurs d’établissements qui vous demande notamment de désigner un référent Covid19 chargé entre autres du suivi du renforcement des mesures d’hygiène et de la coordination des mesures de gestion, en lien avec l’ARS.
La foire aux questions, qui vous rappelle notamment les mesures applicables en matière de circulation des résidents au sein de l’établissement et d’admission.
La note relative à l’approvisionnement des masques chirurgicaux à l’attention des directeurs d’établissements médico-sociaux.
La note concernant les mesures de confinement qui recommande le renforcement des mesures de protection même en l’absence de cas suspect ou confirmé dans votre établissement.
La note concernant les instructions pour un usager décédé infecté par le virus.
La souplesse des modes d’organisation et de fonctionnement
La crise sanitaire vous amène également à revoir en profondeur l’organisation de votre établissement en observant les préconisations du Ministère. Cette réorganisation a pour la plupart d’entre vous été menée dans le cadre de votre Plan Bleu et de votre PCA.
La présente ordonnance sécurise les aménagements réalisés et vous permet officiellement de déroger aux conditions minimales techniques d’organisation et de fonctionnement, soit pour les Ehpad au décret du 26 août 2016. Outre cette dérogation, la souplesse apportée par ce texte porte sur les volets suivants : le lieu d’exercice, la répartition des activités et des personnes prises en charge, les qualifications et les éventuels taux d’encadrement réglementaires. Dans ce cadre, vous pouvez envisager de :
Sectoriser le personnel pour éviter les propagations potentielles : concrètement, il faut diminuer le nombre de personnes avec lesquelles les résidents interagissent.
Redéployer les moyens : le personnel de l’accueil de jour ou du PASA peuvent être par exemple mobilisés au chevet des résidents de l’Ehpad. Concernant les qualifications, l’ordonnance sécurise juridiquement le glissement de tâches parfois inévitable dans une situation de crise sanitaire.
Dans la mesure du possible, prévoir une aile isolable ou un étage dédiés pour les résidents diagnostiqués et pour ceux présentant des symptômes évocateurs (avec un espace cuisine propre si possible).
Renforcer le rôle du médecin coordonnateur pour assurer la prise en charge des cas non graves à l’Ehpad.
Recentrer l’activité sur les missions indispensables : exit la formalisation des projets personnalisés et l’entretien des espaces verts, interruption des accueils de jour et des PASA, maintien des tâches administratives élémentaires (accueil téléphonique, facturation, …)
Repenser la vie sociale : suppression des animations collectives, remplacées par des activités thérapeutiques individuelles, recours aux nouvelles technologies pour maintenir le lien des résidents avec leurs proches (veiller à la désinfection des tablettes !), ou encore organisation de « loto couloir » ou « sport à sa porte »,
Quid du financement ?
L’ordonnance du 25 mars précise également ce que l’on pressentait tous : l’obligation de dépôt de l’ERRD est reportée de 4 mois, soit avant le 30 août 2020. Plus généralement, le texte prévoit la prolongation de 4 mois des délais de toutes les procédures administratives, dès lors que celles-ci doivent expirer entre le 12 mars 2020 et la fin de l’état d’urgence sanitaire (actuellement fixé au 25 mai, sous réserve d’une prolongation). Concrètement, cela concerne vos démarches en cours de négociation de CPOM, de réponse à des appels à projets, de demande de renouvellement d’autorisation… Nous comprenons en effet aisément que les services des ARS et des Départements sont aujourd’hui dédiés à la gestion de cette crise inédite et que le reste peut bien attendre. Le délai de dépôt de l’EPRD est quant à lui toujours maintenu, pour l’heure, au 30 juin de cette année. Toutefois, si l’état d’urgence sanitaire venait à être prolongé au-delà de cette date, cette obligation se verrait elle-aussi couverte par le report de 4 mois.
Logiquement, l’ordonnance apporte également un certain nombre de garanties sur le plan du financement. Première information et non des moindres, les éventuelles modulations liées à l’activité constatée en 2020 ne seront pas appliquées sur le calcul du forfait en 2021. En clair, une éventuelle baisse de votre taux d’occupation en dessous de 95% sur cette année de crise ne sera pas sanctionnée par une diminution des forfaits Soins et Dépendance, comme la loi le permet. Ensuite, tous les ESMS dont l’activité est impactée par le Covid-19 (sous-activité ou fermeture temporaire) ne feront pas l’objet d’une réduction de leur niveau de financement. Cette disposition peut vous concerner si vous disposez d’un accueil de jour ou d’un PASA.
Outre ces considérations organisationnelles et financières, reste à accompagner l’impact de cette situation hors norme sur la santé physique et psychique des équipes et des résidents. Alors que le gouvernement durcit l’obligation de confinement individuel des résidents, rappelons qu’il a par ailleurs lui-même saisi le Comité Consultatif National d’Ethique concernant les enjeux juridiques et éthiques du confinement, au regard de la préservation des droits fondamentaux, notamment pour les résidents atteints de troubles cognitifs et déambulant. Certains d’entre vous n’ont pas attendu la réponse du CCNE pour engager des discussions d’équipe autour du « bénéfice/risque » attendu pour chacun de vos résidents, la réponse « sur mesure » étant peut-être la plus adaptée dans ce contexte « extra-ordinaire ».
par Léna Orgebin
Consultante – Cabinet Advisoria
Pour adapter son organisation, comment s’y prendre ?
L’ordonnance précise que ces dérogations sont prises sur décision du directeur de l’établissement. Celui-ci doit au préalable consulter le Président du Conseil de la Vie Sociale (CVS). Supposons ici, qu’en l’absence de CVS et dans un souci de réactivité, cette consultation peut prendre la forme d’une information aux résidents et à leurs familles (mail, courrier, …). Si l’établissement ou le service est doté d’un Comité Social et Economique (CSE) celui-ci doit également être consulté. Le directeur est ensuite tenu d’en informer au plus vite l’ARS et le Conseil départemental.
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