L’ergothérapeute au cœur de l’Ehpad de demain
Dans la famille des paramédicaux intervenant en Ehpad, après le psychomotricien et le kinésithérapeute, on demande l’ergothérapeute ! Zoom sur ce troisième professionnel dont tous vantent les mérites en Ehpad.
Du grec « Ergon » qui signifie activité ou travail, l’ergothérapie se définit comme un ensemble de techniques de soin permettant au patient de récupérer ou d’acquérir une meilleure autonomie personnelle par l’activité et/ou par le biais d’aides techniques qui lui sont adaptées.
En gériatrie, l’ergothérapie vise donc le maintien des activités de la vie quotidienne et la prévention des complications liées aux pathologies du grand âge. Concrètement pour cela, l’ergothérapeute agit sur le positionnement de la personne ; sur le matériel – notamment les aides techniques – ; sur l’environnement ou encore directement sur l’adaptation de l’activité aux capacités de la personne.
Si y’a de l’ergo, y a d’la vie ?
Ces « activités », ce sont tous les actes de la vie quotidienne : se lever de son lit, se laver le visage ou tout le corps, lire, manger, … Pour Nicolas Biard, directeur technique de l’Association Nationale Française des Ergothérapeutes (ANFE), si l’on veut être précis, on dira que l’ergothérapeute s’intéresse à la réalisation des « occupations » de la personne, définies comme les activités qui ont du sens pour elle : « Travailler, s’occuper de ses enfants, jardiner, peindre, cuisiner… on peut considérer tout cela comme une activité ou, si ça a du sens, comme une occupation ». Une nuance qui a son importance dans les Ehpad plus que jamais en quête de sens.
Pour Mickael Briquet, vice-président du Conseil National Professionnel de l’Ergothérapie (CNPE) et membre du CA de l’Association Française des Ergothérapeutes en Gériatrie (AFEG), en effet, « en Ehpad, on peut vite oublier que vivre c’est avoir des activités, des occupations. Or, nous, en tant qu’ergothérapeute, c’est notre travail de faire un bilan de la personne dans son environnement afin de mesurer ses capacités restantes pour réaliser des activités qui ont du sens pour elle. L’ergothérapie permet de se demander chaque jour si le projet de vie de la personne est bien respecté, au même titre que le projet de soins ».
Prenons l’exemple de la toilette : quand une personne fait sa toilette, cela peut être une occupation. Quand on lui fait sa toilette, ça devient du soin et cela peut être doublement pénalisant car on retire à la personne une activité qui peut avoir du sens pour elle et on fait peu à peu tout à sa place, jusqu’à la grabatisation. Avec la logique d’hyper sécurisation et le rythme effréné qui sont imposés aux soignants en Ehpad, ces derniers sont souvent tentés de faire à la place. Or, comme le souligne Anne Regnacq, ergothérapeute en gériatrie, ayant travaillé en Ehpad, « si on arrive à gagner un peu de « elle peut faire ça par elle-même », c’est aussi du temps gagné pour les équipes. Elles font à la place car ça va plus vite sur le moment mais si on prend le temps d’investir, au bout de quelques mois, on voit les effets et on économise du temps. Et c’est une partie de la réponse au défi de l’attractivité des métiers dans l’Ehpad de demain ».
Une arme propice contre les TMS
Réussir à faire faire à la personne peut donc, à terme, faire gagner du temps, et contribue à donner du sens aux métiers de soignants en Ehpad. L’ergothérapie est en cela tout à fait alignée sur les enjeux RH d’aujourd’hui et de demain. Et elle l’est d’autant plus qu’une des missions de ce thérapeute est d’accompagner les équipes sur la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS).
Pour Mickael Briquet, c’est essentiel : « Dans leur cursus, les soignants ne sont pas suffisamment formés à la manutention, ils ne sont pas préparés et ils n’ont pas un corps fait pour ça. Dans un Ehpad, on estime que sur une journée, une AS va déplacer plus d’une tonne de charge, et certaines vont marcher entre 8 et 12 kilomètres. Notre travail, c’est de les soulager en les formant à la manutention et en les incitant à utiliser du matériel pour limiter ce port de charge ».
D’ailleurs, depuis 2016, la formation initiale des ergothérapeutes inclut la « PRAP 2S » (Prévention des risques liés à l’activité physique – Sanitaire et médico-social). Ainsi, une fois son diplôme en poche, tout ergothérapeute est apte à devenir un acteur de prévention notamment auprès des soignants en Ehpad. Pour les autres professions, cette préparation n’est accessible qu’en formation continue.
Alors où sont les ergo ?
A l’image des psychomotriciens, les ergothérapeutes souffrent d’un manque de compréhension de leur rôle par les autres acteurs de l’Ehpad. Pour Anne Regnacq, « ils ont trop souvent l’image de ceux qui gèrent le matériel et le positionnement. Il faut du temps pour que les équipes et les directions comprennent qu’on est centré sur les occupations et que le positionnement et le matériel n’en sont qu’une partie. C’est tout un accompagnement au changement qu’il faut opérer pour donner de l’autonomie aux ergothérapeutes ». Leur position est par ailleurs compliquée : ils collaborent avec l’IDEC mais n’ont pas de lien hiérarchique avec l’AS et doivent faire passer les messages par l’IDEC ou les IDE. Cela demande donc du temps de bien se faire identifier pour bien se faire comprendre.
Et le temps, c’est évidemment ce qui manque. Anne Regnacq, par exemple, a quitté son ancien poste de salariée en Ehpad car elle ne pouvait pas mener à bien ses missions en étant à mi-temps pour 80 résidents. Le rapport Jeandel – Guérin préconise en effet la présence d’1 ETP d’ergothérapeute pour une Ehpad de 80 lits. Or, selon l’ANFE « on en est encore loin, même si les choses tendent à changer. Il n’y a qu’à regarder les instituts de formation : en 2009, il y en avait 9 et en 2021, on a ouvert le 27ème. Ainsi, aujourd’hui, 1 000 diplômés arrivent tous les ans sur le marché du travail et au moins un tiers choisissent de se diriger vers la gériatrie, qui est pleine d’opportunités ».
Bref, l’ergothérapie – dont le congrès mondial aura lieu cette année en France en aout ! – a aujourd’hui le vent en poupe. Et c’est tant mieux, tant cette profession semble répondre aux enjeux qui s’imposent aux Ehpad aujourd’hui et demain.
Notre série d’articles sur les « paramédicaux » en Ehpad touchant à sa fin, ces métiers n’ont sans doute plus de secret pour vous
Si l’on vous demande « quelle est la différence l’ergothérapeute, le kinésithérapeute et le psychomotricien ? », vous répondez évidemment que tous peuvent répondre à un besoin similaire et que leurs actions doivent être appréhendées de façon globale et transversale… mais que leur approche n’en demeure évidemment pas moins différente.
Exemple sur la gestion post chute : l’ergothérapeute va plutôt travailler sur le renforcement de l’équilibre, en l’intégrant dans une activité ; pendant que le psychomotricien travaillera sur le ressenti corporel et que le kinésithérapeute, enfin, se concentrera sur le renforcement musculaire. Ces actions sont véritablement complémentaires et c’est d’ailleurs pour cela que le rapport Guérin – Jeandel insiste sur la nécessité d’atteindre une présence minimale de chacune de ces fonctions dans chaque Ehpad… auxquels les auteur du rapport ont ajouté les enseignants en activité physique adaptée.
E APA : KESAKO ? Développée dans les années 80 en France, l’activité physique adaptée (APA) est une formation universitaire spécifique, branche de l’Université STAPS. Pour accompagner une personne souffrant d’une diminution de ses capacités physiques, psychiques, psychologiques, l’éducateur ou enseignant d’APA utilise 2 outils : les sports et l’activité physique. Il peut intervenir aussi bien dans les secteurs médicaux, sociaux que médico-sociaux.
Sur le secteur médico-social et notamment en Ehpad, l’éducateur d’APA s’intègre dans le projet global de la prise en soin des résidents. Rute Macedo, Educatrice d’APA au sein du groupe Korian, décrit ainsi sa mission : « mon objectif général est de maintenir les capacités physiques et /ou psychique des personnes en favorisant le lien social. La spécificité de ce métier est qu’il permet en effet de regrouper plusieurs personnes quelles que soient leurs déficiences ou leurs incapacités, de se retrouver autour d’une même activité et de mettre en avant les capacités de chacun pour aller dans une même direction ».
Complémentaire des professions paramédicales, le métier d’E APA est généralement bien perçu et intégré dans les équipes d’Ehpad… une fois que tous ont cerné le rôle de chacun. Pour Rute Macedo, en effet, « Le métier est encore mal connu et il faut faire preuve de pédagogie pour que tout se passe bien ». Un défi que de plus en plus d’Ehpad relèvent, voyant dans ces profils une nouvelle manière d’aborder le projet thérapeutique des personnes âgées qu’ils accompagnent.
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