Le domicile face au Coronavirus :
le risque et la solidarité
En première ligne mais pas sur le devant de la scène, telle est dans cette période de crise du coronavirus la place des services d’aide et d’accompagnement à domicile. Des SAAD traversés par deux lignes de force : l’important risque encouru par les salariés d’une part et l’élan de solidarité qui n’a jamais été aussi grand, de l’autre. Deux forces contradictoires pour un secteur plus que jamais nécessaire, mais plus que jamais en tension.
Il pèse sur les aides à domicile comme sur tous les professionnels de santé et médico-sociaux, envoyés au front pendant cette guerre déclarée par le Président de la République, mais sans les armes et les protections nécessaires. Gel, masques et blouses arrivent en nombre insuffisant et en ordre dispersé, malgré le décret du 16 mars et les dernières annonces d’Olivier Véran ce samedi et la priorité théorique accordée, au-delà du personnel soignant, aux professionnels intervenants auprès des personnes âgées.
Les fédérations associatives regroupées autour d’USB domicile ont écrit cette semaine au Ministre de Solidarités et de la Santé « Nous alertons sur l’urgence absolue de l’approvisionnement en matériel de protection : masques, gel… Jusqu’à présent, la digue de l’aide à domicile tient. Si elle se fissure, c’est un tsunami qui s’annonce. Personne ne veut vivre ça ! », expliquent-elles dans un communiqué commun.
Un risque que subissent aussi les SAAD privés et publics, la pénurie touchant l’ensemble des professionnels au contact des malades et des personnes âgées. Une situation guère rassurante à l’approche du pic qui fera malheureusement diminuer les forces en présence chez les aides à domicile mais pas chez les personnes à aider.
Elle joue à tous les niveaux. Benoit Calmels, délégué général de l’UNCCAS explique ainsi que les CCAS se sont organisés sans attendre de consignes nationales, se mettant automatiquement en mode plan d’urgence, comme lors des épisodes caniculaires, prenant systématiquement des nouvelles des personnes âgées de leur commune, déployant leurs services au-delà des utilisateurs habituels : aide à domicile, portage de repas, livraison de courses et de médicaments, etc.
Un effort de solidarité qui se fait aussi entre les SAAD, comme c’est le cas à Paris avec l’initiative « les SAAD s’organisent » consistant à créer de nouvelles coopérations entre professionnels pour optimiser les capacités de prise en charge des personnes âgées sur des bases territoriales, raconte Dafna Mouchenik, Présidente du Synerpa Domicile et Fondatrice de Logivitae.
Des coopérations bienvenues et qui dépassent les frontières des statuts des SAAD et des fédérations, et c’est bienheureux, mais qui achoppent sur un manque de priorisation claire alors que les demandes affluent. De façon empirique, les interventions sont globalement recentrées sur les personnes âgées les plus fragiles et les plus isolées. Les interventions moins urgentes sont annulées, souvent à la demande des bénéficiaires eux-mêmes qui préfèrent éviter les risques de contagion. Les SAAD se réorganisent donc en conséquence, avec une mission supplémentaire, gérer davantage de sorties d’hospitalisation, celles des personnes ayant des maladies chroniques et dont il faut accompagner le retour à domicile afin de libérer des lits d’hôpital.
C’est donc la réorganisation de crise du système sanitaire qui impacte en bout de chaîne les SAAD, en attente de consignes claires sur ce qui est prioritairement attendu d’eux. « Nous demandons de la part des autorités publiques : Ministère et ARS, une doctrine qui pourra être appliquée par les gouvernances des services d’aide à domicile. Il y a un grand besoin de clarification. Le silence sur ce point est ressenti comme un abandon et renforce à la fois à l’inquiétude et les difficultés d’organisation » plaide Laurence Jacquon, l’actuelle Présidente d’USB domicile.
Protection et clarification de la part du gouvernement sont donc attendues avec impatience par les acteurs du domicile, admirablement mobilisés au service des Français, jusqu’au bout de leurs forces face à la gravité de cette crise sanitaire sans précédent.
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