L’avenant, l’avenir et le présent
Force est de constater que l’agrément de l’avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile est loin de faire l’unanimité. « Geste historique » pour les représentants d’association, « annonces disproportionnées et incompréhensibles » pour les fédérations d’entreprises. Comment en sortir par le haut pour tout le monde ?
Nul ne s’oppose à la revalorisation salariale dans l’aide à domicile. Du rapport Libault au rapport El Khomri en passant par l’actuel travail mené par Michel Laforcade, du Ségur de la santé à la prime Covid, les experts comme l’opinion publique sont désormais convaincus de la nécessité de l’augmentation des rémunérations dans les métiers du grand âge en général et dans le domicile en particulier. Nous avons nous-mêmes suffisamment analysé et défendu cette augmentation dans nos colonnes et dans nos assises pour nous féliciter de chaque avancée en la matière.
Aussi, pensons d’abord à l’ensemble des salariés du secteur associatif qui verront à partir du mois d’octobre leurs rémunérations augmenter de 13% à 15% en moyenne. C’est objectivement une excellente nouvelle. En effet, l’agrément prochain par les pouvoirs publics de l’avenant 43 négocié par les partenaires sociaux de la branche de l’aide à domicile il y a plus d’un an, correspond bien à ce niveau de revalorisation moyen, via une refonte totale de la classification des métiers. Une vraie bouffée d’air pour les 209 000 personnels des SAAD et SSIAD concernés dont 43% accèdent à une rémunération conventionnelle supérieure au Smic seulement après 17 ans d’ancienneté. Cumulée avec les temps partiels, la faible rémunération horaire a pour conséquence un taux de pauvreté chez les aides à domicile deux fois plus élevé que dans le reste de la population.
Si l’avenant 44, qui lui portait sur l’augmentation du point de l’indice de rémunération de 2,5%, avait été plus rapidement validé par le ministère après l’avis positif de la CNA (Commission Nationale d’Agrément), c’est probablement parce qu’il était moins engageant financièrement. En effet, montants estimatifs : 85 millions d’euros pour l’avenant 44 contre 500 millions pour l’avenant 43, si bien que c’est presque contre toute attente qu’ont eu lieu les annonces gouvernementales le 1er avril. « Jamais nous n’avons été aussi loin dans la revalorisation des métiers de l’aide à domicile. C’est la priorité de mon action depuis mon arrivée au ministère. Ce n’est qu’en investissant dans l’humain que nous pourrons mieux appréhender la transition démographique du vieillissement de notre société » expliquait ainsi la ministre Brigitte Bourguignon.
Quid du bouclage financier ?
En termes de timing, la ministre s’est engagée à ce que l’avenant 43 de la convention collective soit validé par la CNA et par le ministère des Solidarités et de la Santé d’ici fin mai pour une application à partir du 1er octobre 2021. En termes financiers, le bouclage est plus flou. La proposition de l’État est de s’appuyer sur ce qu’a prévu la loi de financement de la sécurité sociale : 150 millions d’euros en 2021, puis 200 millions d’euros prévus à partir de 2022, ce qui pose trois problèmes. 1) Le compte n’y est pas. Si l’Etat s’engage à couvrir 50% de la dépense comme annoncé, c’est 250 millions d’euros par an qu’il faudra débourser 2) Les départements qui devront donc couvrir le reste des 50% n’ont pas été consultés et n’ont pas « accepté cette proposition » pour reprendre les termes de la déclaration à l’AFP de Frédéric Bierry, président du conseil départemental d’Alsace et chargé des questions sociales à l’ADF, expliquant également que « le gouvernement ne peut pas nous demander de payer s’il ne met pas davantage sur la table ». 3) Le mécanisme exclut de fait les salariés des entreprises qui représentent près de 40% du secteur.
Quelle revalorisation côté entreprises ?
Dans un communiqué commun, FESP, Fedesap et Synerpa s’inquiètent de ce qu’elles considèrent comme « une iniquité entre les aides à domicile selon leur convention collective de rattachement ». Sans remettre en cause les augmentations dont vont bénéficier les salariés des associations, elles appellent à « une revalorisation des salaires de tous les professionnels sans distinction des statuts de leurs employeurs, via un véritable Ségur du Domicile ». Par quel mécanisme ? Les trois fédérations planchent actuellement sur une double proposition : la définition d’un tarif socle national digne de ce nom pour l’APA et la PCH, complété par une dotation de la CNSA au titre de la 5ème branche. Le meilleur financement du secteur générerait ainsi des marges qui se traduiraient par des augmentations salariales sur lesquelles les fédérations d’entreprises seraient prêtes à s’engager contractuellement via leur convention collective.
Ce qui est certain, c’est que cette victoire salariale qu’il faut saluer n’est que partielle et que le gouvernement, puisqu’il a affiché son volontarisme en la matière, doit maintenant se retrousser les manches pour aller jusqu’au bout de sa logique en finançant structurellement mieux le secteur permettant, exigences contractuelles à l’appui, de sortir durablement de la pauvreté l’ensemble des salariés de l’aide à domicile quel que soit le statut de rattachement de l’organisation qui les emploie.
Patrick Haddad
Rédacteur du Journal du Domicile
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