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31 mai 2018

Annonces d’Agnès Buzyn : un plan sur la bonne voi(x)

Si on préfère les petits matins qui se renouvellent que les Grands Soirs qui n'arrivent jamais, le "plan Buzyn" nous va bien.

Il constitue à l’évidence un de ces pas en avant qui ne résout rien fondamentalement mais qui contribue à faire avancer les choses. Ce Plan ne décevra donc que ceux qui s’étaient auto-convaincus que le Gouvernement allait annoncer une réforme à coup de milliards d’euros ce que ni lui, ni les précédents n’ont fait ou feront. Pour le reste, il pose des jalons (pour les plus positifs) ou des rustines (pour les plus critiques) de nature tout de même à améliorer la situation à court terme.

Ce plan est pourtant le fruit d’un paradoxe : voilà un gouvernement qui, sur ce sujet, est arrivé vide de tout projet. Il n’avait rien préparé et rien prévu. Le programme d’Emmanuel Macron n’abordait pas le sujet tandis que les 6 pages de la feuille de route qu’Edouard Philippe a remise à Agnès Buzyn en août 2017 ne comprenait que … 6 lignes sur les personnes âgées. Pourtant, aussi imprévisible qu’une crise de nerfs qui couve mais dont ne sait pas quant elle va éclater, le mouvement social dans les Ehpad a tout bousculé obligeant le Gouvernement à réagir.

Or, il vient de le faire de plutôt belle manière. Evidemment, on pourra toujours dire que le « compte n’y est pas ». Mais par définition, pour une fédération professionnelle, le compte n’y est jamais… Ceux qui parlent en milliards sort forcément déçus lorsqu’on leur annonce des centaines de millions. Lorsqu’une députée comme Monique Iborra pousse l’idée que le Gouvernement devrait instaurer un ratio de 0,6 de personnels soignants dont le coût est évalué à 5 milliards d’euros, il lui faut ensuite un certain talent de contorsionniste pour applaudir un plan qui débloque … 147 millions d’euros supplémentaires pour les personnels en Ehpad. Plus pragmatique, Pascal Champvert a reconnu tout de même un « pas en avant ». Tout comme le Synerpa qui, par la voix de Florence Arnaiz-Maumé sur RTL, a salué « l’engagement de la Ministre ».

Si la voie est donc tracée, la voix, elle, a fait défaut. Victime au début de son intervention d’une inextinguible quinte de toux, Agnès Buzyn a été obligée de marquer une pause dans le discours qu’elle prononçait ce mercredi à 17h00 devant les 1ères rencontres nationales CNSA-Départements. Elle a dû son salut à la présence d’esprit – et au courage – de sa directrice adjointe de Cabinet, Aude Muscatelli, qui est venue s’emparer du micro pour lire le discours en lieu et place de sa Ministre, avant que celle-ci puisse reprendre le cours de son allocution.

Le plan annoncé traite d’abord les maux de court terme de façon pragmatique.

La généralisation des IDE de nuit ? C’est un des enseignements des expérimentations récentes : la présence d’IDE la nuit semble avoir un effet significatif sur la diminution des recours à l’hospitalisation. Si tel est le cas, leur généralisation est une bonne nouvelle.

La réouverture du tarif global et le droit de prescription du médecin coordonnateur ? C’est ce que réclamaient de très nombreux Ehpad soucieux de pouvoir organiser de façon plus rationnelle les soins face à la pénurie de libéraux.

La politique de prévention en Ehpad ? On s’est toujours plaint que l’Ehpad n’était pas suffisamment un lieu de prévention et qu’au contraire la tarification au GMPS constituait une sorte de « pousse-au-crime » instaurant une prime à une plus grande dépendance. Cette fois, 30 millions seront mis pour promouvoir une politique de prévention dans les Ehpad. Difficile de s’en lamenter.

Le plan prévoit également une vraie nouveauté : la création de 1.000 places d’hébergement dédiées aux sorties d’hospitalisation, places financièrement prises en charge comme à l’hôpital (paiement du seul forfait hospitalier plutôt que du prix de journée d’Ehpad). Certes, on pourra toujours expliquer qu’il s’agit là « d’un SSR à coût bradé ». On pourra aussi estimer que l’Ehpad constitue un bon sas entre l’hôpital et le domicile et qu’il étend ainsi son rôle dans le parcours de soins.

Ce plan n’oublie pas (complètement) le domicile puisque le secteur de l’aide à domicile, qui était au centre des préoccupations de la loi ASV, se voit gratifié d’un petit chèque supplémentaire de 100 millions d’euros sur 2019 et 2020.

Enfin, la Ministre a annoncé une enveloppe de 147 millions d’euros supplémentaires (qui s’ajoutent aux 217 millions déjà prévus) pour financer la réforme tarifaire et donc l’embauche de personnels soignants supplémentaires. On trouvera ça nullissime si on pensait parvenir à un ratio de 1 pour 1. Mais correct s’il s’agit de neutraliser les effets néfastes de la réforme tarifaire et permettre ainsi qu’aucun Ehpad, notamment public, ne perde de moyens. La Ministre applique ainsi les recommandations du Rapport Ricordeau et s’accorde deux ans de répit pour étudier la suite de la convergence.

Pour autant, la Ministre a été beaucoup plus floue pendant la conférence de presse quand un journaliste lui a demandé les sommes globalement consacrées à ce plan. Car, il est vrai que tout est fait dans le dossier de presse (que vous pouvez consulter ici en annexe) pour brouiller les pistes et n’y rien comprendre au final.

Le Mensuel a tenté pour 2019 d’additionner les financements prévus pour chaque action et est parvenu à la somme globale de 407 millions d’euros : 30 millions d’€ pour la prévention en Ehpad, 15 pour les sorties d’hospitalisation, 4 pour les équipes mobiles gériatriques, 10 pour la télémédecine, 15 pour l’habitat inclusif, 50 pour l’aide à domicile, 23 pour la garantie ressources en Ehpad, 120 pour l’augmentation des personnels en Ehpad, 10 sur les infirmières de nuit, 20 sur la coordination des soins, 100 pour l’investissement immobilier et 10 pour la QVT et l’accompagnement en organisation.

Mais surtout, le discours d’Agnès Buzyn est important sur deux autres points :

Il grave dans le marbre la vision qu’avait développé en son temps la Loi d’Adaptation de la Société au Vieillissement en affirmant que la vieillesse ne se résume pas à la dépendance. En expliquant que les personnes âgées doivent se sentir bien à la « maison » (adaptation des logements) et dans le « monde » (adaptation des villes, de l’urbanisme, des transports), elle reprend l’antienne lancée lors du précédent quinquennat. Elle a par ailleurs confirmé sa volonté de relancer une filière Silver Economie en panne depuis plusieurs mois.

Enfin, il ouvre un grand débat citoyen sur la prise en charge financière demain de la dépendance. Certes, ce n’est pas la première fois qu’un tel débat est initié. Le précédent, lancé en 2011 par Roselyne Bachelot, s’était terminé en eau de boudin. A chacun désormais de s’emparer de ce grand débat public : quelle forme de financement pour demain ? Quelle répartition de responsabilité entre Etat, Sécu, Départements, mutuelles ou assurances ? Il va falloir désormais sortir de l’incantation et des slogans pour penser précisément les réformes qu’on veut promouvoir Le Mensuel des Maisons de Retraite vous donne rendez-vous tout au long de cette année 2018 pour alimenter cette réflexion, pour débattre, pour échanger.

Luc Broussy

Télécharger le dossier de presse


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