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© Patrick Dagonnot

6 mai 2020

La parole à…
Frédéric Valletoux, président de la FHF

Succédant à des poids lourds politiques comme Gérard Larcher ou Claude Evin, le maire de Fontainebleau s’est progressivement imposé en réussissant notamment l’exploit de se faire réélire trois fois de suite à la tête de la Fédé. Dont, une fois en 2016 – peu s’en souviennent – en battant un certain… Olivier Véran. Très en pointe dans les médias durant la crise, ce porte-parole du service public a choisi Le Mensuel des Maisons de Retraite pour s’adresser aux directeurs d’Ehpad.

Le MMR : Comment avez-vous vécu cette crise ?

Frédéric Valletoux : Parce que nous étions connectés avec les établissements hospitaliers de l’Oise puis du Grand Est, on a tout de suite vu qu’il y avait une fragilité dans le dispositif en direction des personnes âgées en général et des Ehpad en particulier. Après les premières remontées de nos hôpitaux dans le Haut-Rhin, nous avons appelé à la plus grande vigilance. Nous avons rapidement perçu que les Ehpad étaient moins prioritaires dans la prise en charge de cette crise qui était principalement focalisée sur les hôpitaux.

Lorsqu’on évoquera les leçons à retenir de la crise, il faudra se rappeler que les réponses des pouvoirs publics ont été plus lentes dans les Ehpad et que les professionnels ont clairement ressenti que l’accompagnement en matériel comme en personnel tardait à venir.

Mais pour l’heure, l’effort de mobilisation doit continuer : dans les Ehpad on est loin d’être sorti de cette crise. De son côté, la FHF continue de plaider pour des renforts immédiats en ressources humaines car des Ehpad connaissent des taux d’absentéisme très importants de l’ordre de 30 à 50 % pour certains.

Le dispositif RenfortsCovid a plutôt bien fonctionné notamment en Ile-de-France. En revanche, on a pu toucher du doigt les limites de la réserve sanitaire. D’ailleurs dans « réserve sanitaire » il y a sanitaire : là encore, le médico-social a été moins bien privilégié. Pourquoi n’a-t-on pas réussi à mobiliser aussi fortement pour les Ehpad que pour les hôpitaux : voilà encore une question à laquelle il nous faudra répondre.

Le MMR : Comment analysez-vous ce que fut la réaction des pouvoirs publics ?

F.V. : Concernant la réaction des pouvoirs publics, je crois que tout le monde a perçu la même chose : la montée en puissance a été assez lente. Dans le Grand Est par exemple, les cliniques privées ont regretté de ne pas être suffisamment mobilisées par les pouvoirs publics. Il faudra sans doute analyser le choix qui a été fait de confier la gestion de cette crise aux ARS. Un pilotage national n’aurait-il pas été préférable ? Il a d’ailleurs été efficace dès lors qu’on a par exemple adopté la stratégie de transferts des patients entre régions. Parfois aussi, il a été constaté des difficultés de coordination entre préfets et ARS, plus au niveau départemental que régional a priori. Pour le moment, il est trop tôt pour jeter la pierre dans le jardin des uns et des autres. On a vu d’ailleurs que l’ARS Ile-de-France a rapidement su tirer les leçons de ce qui s’est passé dans le Grand Est pour agir différemment.

Le MMR : A la place qui est la vôtre, comment avez-vous perçu la crise dans les Ehpad ?

F.V. : Sur les Ehpad, je retiens d’abord de la crise le constat d’une extrême diversité au sein même des Ehpad publics. Ceux qui étaient bien intégrés dans des filières gériatriques s’en sont mieux sortis que ceux qui vivent seuls dans leur coin. Cela viendra interroger demain sur la nécessité pour les Ehpad publics de mieux s’inscrire dans des coopérations locales et des réseaux intégrés. L’isolement dans des moments comme ceux-là constitue à l’évidence un inconvénient.

Cette crise a aussi montré ce que savaient déjà ceux qui connaissent ce secteur : l’Ehpad tel qu’il existe aujourd’hui doit être profondément réformé. Les Ehpad sont aujourd’hui sous-médicalisés ce qui les a fragilisés pendant cette période. Ils sont insuffisamment intégrés dans les filières sanitaires et les métiers y sont mal valorisés. Il ne faut pas pour autant tourner le dos au modèle de l’Ehpad car nombre de personnes âgées sont dans l’incapacité de pourvoir rester chez elles. Le principe même de l’Ehpad n’a pas à être remis en cause mais ses conditions d’exercice et ses moyens oui.

Le MMR : Avant de réfléchir au monde d’après, j’imagine que la FHF continue de devoir gérer le monde de maintenant ?

F.V. : En effet, il existe encore des combats qui permettent d’améliorer le présent. J’étais cet après-midi même, avant notre entretien, avec les conseillers de Matignon pour demander, ce qui ne paraissait pas automatique, que la prime attribuée aux personnels hospitaliers soit également versée aux personnels médico-sociaux. Nous avons aussi à gérer la réouverture des Ehpad aux familles, sujet sur lequel avec la contribution de la FHF, Jérôme Guedj a fait un super boulot. Et nous avons encore devant nous la question du dépistage avec une stratégie qui demeure largement illisible selon les ARS ou selon les territoires. Nous avons sur ce sujet besoin d’une doctrine nationale claire. Il faut donner aux Ehpad les moyens de tester 100% des résidents et leur donner les moyens de le faire une fois, puis une semaine plus tard puis 15 jours après etc…

Le MMR : Et le monde d’après ?

F.V. : Je veux un monde où on parle enfin de ce sujet de la dépendance qui est toujours mis de côté depuis 10 ans. Toutes les questions ont été posées dans le rapport Libault. Toutes les solutions y sont remarquablement exposées. Nous n’en sommes plus à chercher des solutions mais à les appliquer enfin. La solution, elle fait consensus. Je crois que si le rapport Libault est mis en oeuvre demain, personne ne sera contre !

Le monde d’après passera certainement par des efforts financiers immédiats. Mais il faut avant l’été que le Gouvernement prononce des paroles claires, fermes et volontaristes et la FHF apportera des recommandations et propositions en ce sens. Ensuite, le reste en découlera. Le grand danger, c’est qu’on revive ce qu’on a vu dans le passé : une volonté, un discours ferme et, au final, une mise en œuvre évanescente. Après cette crise, il serait impensable que le Gouvernement laisse le service public hospitalier et médico-social dans le même état qu’avant.


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