La fabrique aux illusions ?
Alors que la crise énergétique et l’inflation galopantes sont dans tous les esprits et tous les budgets, les métiers de la première ligne restent mobilisés. Avec quel appui ? Si le PLFSS reste sur une tendance haussière concernant la prise en charge du vieillissement, le grand soir de l’aide à domicile n’est pas arrivé. Le cœur du sujet est reporté aux résultats de cette nouvelle consultation, dont le gouvernement assure qu’elle est la dernière et la bonne : le Conseil National de la Refondation, dont le « bien vieillir » est une des sept thématiques nationales.
Si nul ne sait si la consultation débouchera cette fois sur une loi, la matière à discussion et les sujets à clarifier ne manquent pas au sein de cette fabrique du bien vieillir, lancée officiellement le 11 octobre et aussitôt déclinée en trois chantiers (citoyenneté et lien social, métiers, adaptation de la société et prévention) et dix ateliers citoyens, le tout animé par six personnalités jusqu’au mois de mars 2023.
La dimension territoriale de la démarche est bien affirmée. Tant mieux si cela permet d’éclaircir la gouvernance future d’un système où aide et soins, et donc Conseils départementaux et ARS, ont vocation à mieux s’articuler. N’oublions toutefois pas qu’un des grands manques de la loi ASV était d’avoir laissé trop d’options et d’hétérogénéité territoriale, ce qui créait une grande confusion, et qu’une des grandes avancées récentes est d’avoir instauré un tarif minimum national APA et PCH. Si l’écoute des territoires est utile, le grand souffle national est indispensable.
Assez naturellement, le premier atelier, le 25 novembre dernier, a été consacré aux métiers. Avec des considérations très concrètes sur l’organisation du travail, la nécessité de moins le morceler, de laisser davantage d’autonomie aux professionnels, l’utilisation des deux heures de convivialité pour les bénéficiaires de l’APA prévues d’ici 2024 ou encore le besoin de bien se coordonner entre professionnels sur un territoire donné. Des sujets tout à fait pertinents en somme, mais dont on voit mal en quoi ils soulèveraient des problématiques fondamentalement différentes de celles qui ont été longuement débattues lors de la concertation Grand âge et autonomie de 2018 qui a débouché sur le rapport Libault ou lors de la préparation du rapport El Khomri l’année suivante.
La première impression est souvent la bonne, surtout quand elle est mauvaise. Tel était un peu la réaction de départ sur cette fabrique du bien vieillir. Si les acteurs du domicile n’ont pas vocation à appliquer la politique de la chaise vide, il est peu probable qu’ils aient grand-chose à attendre de cet exercice qui consiste surtout pour le gouvernement à jouer la montre en attendant de savoir quels moyens pourront être consacrés au bien vieillir dans un contexte budgétaire très incertain. Ce qui est après tout compréhensible, tant que l’on ne se fabrique pas d’illusions.
Patrick Haddad
Rédacteur du Journal du Domicile
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