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© Patrick Dagonnot - EHPA Presse

28 février 2013

Jean-Marie Delarue, persona non grata en Ehpad ?

On connaît déjà les inspections des conseils généraux et des agences régionales de santé. Va-t-on voir débarquer, demain, dans les établissements, le contrôleur général des lieux de privation de liberté ?

Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, persiste et signe. Celui que l’on appelle communément le contrôleur général des prisons, souhaite voir ce qu’il se passe derrières les murs des maisons de retraite.
En mai 2012, il a déposé un avant-projet de loi allant dans ce sens auprès de Matignon. Un dossier sur lequel ne s’est pas encore penché le Premier ministre… Et Jean-Marie Delarue s’impatiente. « Nous sommes toujours dans l’attente d’une réponse », et attendre trop longtemps « me chatouillerait un peu sur le terrain de mon indépendance », a-t-il déclaré, sibyllin, dans la presse.
Dans son rapport d’activité 2012, rendu public le 25 février, le contrôleur général des prisons revient à la charge. Il exprime sa volonté de voir incluses dans son périmètre de compétences – outre les prisons, les centres éducatifs fermés, les hôpitaux psychiatriques, les gardes de vue… – les structures pour personnes âgées dépendantes. « Les Ehpad ne sont évidemment pas des lieux de privation de liberté assimilables à ceux qui, par nature, ont été créés comme lieux de captivité », nuance-t-il, pour faire passer la pilule. Et d’ajouter : « En théorie, il n’existe en Ehpad ni obstacles à l’entrée, ni empêchement à la sortie. Mais en pratique, de nombreux établissements […] sont fermés (on pense ici à certaines unités dites « Alzheimer » par exemple). La privation de liberté n’est pas ici de droit mais de fait, et peut donc entrer dans le champ de compétences du contrôle général ».
Pour justifier de cette prérogative, Jean-Marie Delarue met en avant le pedigree de sa fonction. « Le contrôleur général a aujourd’hui une expérience acquise qui permet de garantir la réalité de son indépendance et l’efficacité de son intervention pour vérifier l’état, l’organisation et le fonctionnement de ces lieux. » Car pour lui, les inspections effectuées par les conseils généraux et les agences régionales de santé sont « de nature administrative ou hiérarchique ». Une considération qui n’est pas du goût de l’Association des inspecteurs de l’action sanitaire et sociale (Apiass). Qui rappelle, dans un communiqué de presse en date du 27 février, que la protection des personnes et la lutte contre la maltraitance est « l’une des missions essentielles du corps des inspecteurs de l’action sanitaire et social ». Et l’association remet les choses à leur place : « Le problème n’est donc pas de savoir s’il parait opportun de contrôler les structures, cela se fait depuis longtemps. » Chiffres à l’appui : en 2011, 446 inspections préventives ou inopinées ont été réalisées sur l’ensemble du territoire, uniquement dans le cadre du repérage et la prévention des risques de maltraitance dans les établissements.
Du côté du secteur, on peut s’en douter, le contrôleur général des prisons est considéré comme un visiteur indésirable en Ehpad. « Je le dis tout net, cette proposition est totalement incongrue et inadmissible. Il s’agit là purement et simplement d’une stigmatisation négative des établissements », s’insurge, dans un communiqué de presse, Jérôme Guedj, président du conseil général de l’Essonne.
Toutefois, pour Michèle Delaunay, ministre des Personnes âgées et de l’Autonomie, la proposition de Jean-Marie Delarue « pose des questions essentielles sur la liberté et les droits des résidents » mais… « se heurte à la fois à des difficultés concrètes et à des questions déontologiques ».  

Le point de vue d’un directeur : « Il y a un vide juridique qu’il faut combler »

Richard Tourisseau, directeur du groupement de coopération sociale et médico-sociale « Les Ehpad publics du Val de Marne ».

« Je ne suis pas opposé à un contrôle sur les mesures restrictives de liberté que je suis amené à prendre pour assurer la sécurité des résidents. Il y a un vide juridique qu’il faut combler. Je suis prêt à tenir un livre noir dans lequel seront consignées les mesures de coercition prises à l’égard d’un résident et les raisons qui ont motivé cette décision. Un représentant de la justice, juge des affaires familiales, juge des libertés, pourrait consulter ce document à l’occasion d’une inspection. Le secteur a poussé des cries d’orfraie suite à la proposition du contrôleur général des lieux de privation de liberté, mais ce rapport a le mérite de soulever des questions essentielles.  Faut-il ou pas des unités fermées dans les Ehpad ? Faut-il surveiller la liberté de circulation des résidents grâce à des bracelets électroniques ? Dans ce cas, faut-il définir un périmètre pour leurs sorties ? C’est le rôle de la société de nous fixer les lignes. Sur les 800 personnes âgées dépendantes accueillies dans mes établissements, seules 1%, soit 8 par an, ont exprimé leur volonté d’entrer en Ehpad. 80 % de mes résidents sont en GIR 1 et 2. Sont-ils capables d’exprimer un consentement ? Dans la majorité des cas, c’est la famille, l’hôpital, le médecin, l’assistance sociale qui prend la décision de l’entrée en institution. Il faut cesser de soulever ces questions à la suite de faits divers et par à-coups médiatiques. Ouvrons le débat sur la liberté d’aller et venir ! Ouvrons le débat sur le consentement des résidents ! »


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