Générations… impatientes !
Le projet de loi « Générations solidaires » a ainsi vocation à remplacer celui « Grand âge et autonomie », mort-né, alors même que cette appellation était en vigueur depuis près de trois ans et la concertation éponyme qui s’était conclue par les 175 propositions du rapport Libault. Une volte-face à quelques mois de l’échéance présidentielle qui a davantage tendance à inquiéter qu’à rassurer.
Olivier Véran et Brigitte Bourguignon ont beau afficher leur volontarisme en expliquant que le projet de loi sera débattu cet été, la montre joue contre eux. Rien d’inscrit à la session parlementaire extraordinaire de juillet, malgré une annonce de passage en conseil des ministres le 28, qui n’a donc pas eu lieu. Seul le document de travail, publié le 18 mai par la direction générale de la cohésion sociale et présenté aux fédérations professionnelles début juin, a circulé.
Au-delà du calendrier, ce document, qui est un diaporama et non un projet de loi en bonne et due forme, pose de grandes orientations, avec du bien, du moins bien et du flou… Du côté des principes affichés, qui sont rarement les plus engageants, pas grand-chose à redire. Qui serait contre « réconcilier les générations suite aux tensions exacerbées par la crise sanitaire » ? Ou un « nouveau partenariat Départements-Etat basé sur la transparence et l’équité » ? Il eut peut-être toutefois été bon sur ce point de co-construire les termes de ce partenariat avec l’Assemblée des Départements de France et son bureau renouvelé suite aux récentes élections.
Et ce d’autant plus qu’il est prévu de toucher à la gouvernance, selon le schéma : aux ARS les EHPAD, aux Conseils départementaux les SAAD. Est-ce bien raisonnable au moment où les aides à domicile commencent à être considérées comme du personnel soignant à part entière et que tout le monde convient qu’une plus grande articulation entre établissement et domicile est nécessaire ? Rien n’est moins sûr.
On ne se réjouira qu’à moitié des annonces type « conférence nationale de la transition démographique » après moults concertations et rapports, et au moment où sont attendus des actes, des réformes et des financements. Mais c’est surtout sur le virage domiciliaire, réaffirmé dans le diaporama, qu’il nous faut réagir.
De quoi est-il question sur ce point ? De la création d’un « service autonomie », nouvelle forme du guichet unique de l’aide à domicile pour les personnes âgées et leurs aidants. Pourquoi pas à condition de ne pas créer une énième structure de coordination qui viendrait se superposer aux autres et nombreux dispositifs : CLIC, MAIA, PAERPA, PTA…
C’est surtout la rénovation des services d’aide à domicile et de leur financement, également annoncée, qui doit retenir toute notre attention. La revalorisation du tarif plancher national de la PCH, après la maigre augmentation du 1er juillet, serait au programme, ainsi que le tant attendu tarif minimum national pour l’allocation personnalisée d’autonomie. Celle-ci serait d’ailleurs rebaptisée « prestation autonomie domicile », mais là n’est pas l’essentiel.
L’essentiel est la fixation d’un tarif à la hauteur du besoin structurel. Le principe d’un tarif plancher assorti d’un financement complémentaire sous forme de dotation dédiée à la coordination, a été retenu à ce stade, conformément aux orientations du rapport Libault et du groupe de travail DGCS-CNSA. Pour quelle enveloppe ? Ce sera le combat à mener, avec des chiffres clés que nous avions développés dans notre newsletter précédente, à bien garder en tête. En dessous de 25-26 € de l’heure (et malgré les limites de ne raisonner qu’en tarif horaire), le secteur restera sous-financé. Cela représente un effort financier de 1,5 à 2 milliards d’euros par an.
Des sommes qui permettront de juger la crédibilité du contenu final de l’hypothétique projet de loi. Avec un motif d’inquiétude tout de même. Le document de travail explique que c’est grâce au virage domiciliaire que la branche autonomie arrivera à l’équilibre. En effet, en tablant sur une baisse du taux d’institutionnalisation (proportion de personnes âgées dépendantes accueillies en établissement) de 43% à 39% d’ici 2030, des économies significatives seraient faites, le domicile coûtant moins cher que l’établissement, et permettrait ainsi la soutenabilité du système.
Or, l’enfer risque d’être pavé de bonnes intentions : le domicile doit être considéré comme un secteur d’avenir où investir, avant d’être pensé comme un moyen de faire des économies et de boucler la 5ème branche. Les deux ne sont pas incompatibles mais la priorité doit être claire, les chiffres précis et le calendrier affirmé. Aucune de ces trois conditions n’étant satisfaite, l’inquiétude et l’impatience risquent de prévaloir sur l’optimisme et le satisfecit quelques mois encore.
Patrick Haddad
Rédacteur du Journal du Domicile
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