Actualités
30 décembre 2021

Entretien avec Stéphane Pardoux,
directeur général de l’Anap

Directrice générale de l’Anap pendant 5 ans, Sophie Martinon est devenue n°2 de l’ARS Ile de France laissant son poste depuis le 1er juillet dernier à Stéphane Pardoux. Ce directeur d’hôpital a mené en 20 ans une carrière qui l’a conduit dans plusieurs hôpitaux publics (Avicenne, Bichat, Pitié-Salpêtrière, Cochin, Créteil…) à des fonctions sensiblement différentes (finances, systèmes d’information, logistique, investissements…). Après un petit tour dans le privé (groupe Ramsay) et à l’Institut Gustave Roussy, le voici, à 49 ans, et pour 5 ans, à la tête de l’Anap. Logique donc que nous soyons allés l’interroger pour le Mensuel.

Le MMR : Depuis 12 ans, l’Anap est censée conseiller les établissements pour qu’ils « améliorent leurs performances ». Pensez-vous qu’en une décennie, grâce à elle, les Ehpad sont plus « performants » ? Et comment d’ailleurs mesurez-vous cette « performance » ?

Stéphane Pardoux : L’Anap n’est pas là pour se substituer aux gestionnaires ou aux directions d’établissement. Elle est avant tout chargée de les conseiller et de les accompagner. Nous fournissons un ensemble d’outils, de bonnes pratiques, de recommandations, pour mettre en œuvre une action d’amélioration de la performance. Mais il appartient aux décideurs de terrain de définir leurs priorités d’action.

Pour répondre à votre question, il faudrait surtout interroger les Français. J’ai la faiblesse de penser que oui, les Ehpad sont plus performants aujourd’hui en termes de prestation rendues, de qualité d’hébergement ou du respect des droits des résidents. Face à la complexité d’une crise jamais connue, les équipes des Ehpad ont montré qu’elles étaient capables de réagir, de s’adapter tout en maintenant le lien fondamental avec les familles. Sur des sujets plus techniques, l’Anap y a contribué par ses outils d’accompagnement. Je pense notamment à la couverture nocturne dans les établissements par la mutualisation des IDE de nuit, ou le développement de l’hébergement temporaire en fournissant des modèles opérationnels et des contrats de séjour. Concernant l’immobilier, l’Anap a aidé au dimensionnement et à la maitrise des coûts. Sur les systèmes d’informations (SI), nos travaux pour accompagner les directions dans leur feuille de route sont appréciés.

Le MMR : Vos tableaux de bord sont relativement chronophages à remplir pour les directeurs d’établissements. Pouvez-vous nous convaincre que le jeu en vaut la chandelle ?

S.P. : C’est une question qui revient souvent et je vous remercie de la poser. J’ai moi-même dirigé des établissements, dans le champ sanitaire et médico-social. Je connais l’exigence de cette fonction, la polyvalence qu’elle demande et parfois la solitude qu’elle implique.

Le pilotage par la data est une opportunité de lutter contre l’hypothétique, l’imprécision et de solidifier ses propres argumentaires. Disposer de données fiables dans sa discussion avec la tutelle, c’est une chance inouïe pour un directeur ! On ne peut pas se priver de cet outil extraordinaire qui n’a pas son pendant dans le secteur sanitaire. Le tableau de bord permet de connaître l’offre et de se comparer, de rectifier une anomalie, d’innover dans le pilotage interne de son établissement ou de faire l’ensemble du dialogue de gestion.

J’entends bien que la saisie demande un investissement particulier. Les équipes de l’Anap essayent aux côtés de l’ATIH  , de la CNSA et de la DGCS de la faciliter. Mais notre objectif est d’aller plus loin encore dans l’exploitation de cet outil pour en faire une cartographie complète du secteur médico-social et du pilotage d’un Ehpad.

Le MMR : Vous semblez juger, probablement à juste titre, que les Ehpad ont pris un peu de retard dans la prise en compte de l’impératif écologique et de la transition numérique. Pourquoi ce retard ? Et comment pouvez-vous aider à le combler dans les prochaines années ?

S.P. : Le retard pris face à la transition numérique, qui est commun au sanitaire et au médico-social, s’explique par la nature des progrès qu’elle implique. Si le numérique améliore la relation usagers, elle est dans un Ehpad avant tout physique et non virtuelle. S’il améliore le pilotage interne, cette question est sans doute passée au second plan devant l’ampleur des missions confiées à des dirigeants souvent seuls. Cependant chacun appréhende mieux, aujourd’hui, l’importance du virage numérique. Nous avons compris durant la crise sanitaire qu’il permet d’améliorer le lien entre les résidents et leur famille. Qu’il est aussi un outil d’attractivité et de facilitation des tâches quotidiennes du personnel. L’Anap est très présente dans ce domaine, par ses publications sur les SI, ses fiches et les collectifs qu’elle anime dans les territoires. Notre objectif est que les professionnels appréhendent de façon positive le numérique, pour se dire que ce n’est pas si compliqué que ça.

Sur le développement durable, le retard s’explique pour deux raisons. D’abord, se préoccuper de cet enjeu équivaut à penser le long terme. Or les directeurs ont une pression de la quotidienneté que ceux qui n’ont pas exercé cette fonction ne connaissent pas. Le secteur s’est aussi moins posé que d’autres la question du sens, car il a par essence la plus belle des missions d’un point de vue sociétal : l’attention et le soin. Aujourd’hui l’Anap en fait un axe prioritaire pour les ESSMS par une démarche d’accompagnement spécifique. Amplifier les politiques de développement durable, c’est en faire un levier de management et d‘attractivité. C’est une matière qui permet aussi d’impliquer les résidents dans une démarche collective et d’ouvrir l’établissement à son territoire et à des écosystèmes locaux de qualité.

Le MMR : L’Anap semble monter en puissance et est de plus en plus présente dans le débat public. Quelle est votre stratégie et votre vision du rôle de l’Anap dans le secteur de la prise en charge des personnes âgées ? Et au moment où s’engage une réflexion sur l’Ehpad du futur, en quoi l’Anap va aider à le construire progressivement ?

S.P. : La vocation de l’Anap est d’éclairer et de stimuler le débat collectif. Mais aussi d’accompagner les politiques publiques afin qu’elles produisent des résultats concrets. Chaque jour quand un dirigeant utilise un outil de l’Anap, nous souhaitons qu’il se dise « j’ai gagné un temps que je peux consacrer à autre chose ». Nous ne sommes pas une administration ou une autorité de contrôle, mais une agence composée de professionnels dont le Conseil d’administration accueille l’ensemble des fédérations. On ne travaille pas seul et je salue la qualité de notre coopération, extrêmement fertile, avec la CNSA dans le cadre des investissements ou du pilotage de l’appel à manifestation d’intérêt des conseillers en transition énergétique et écologique en santé (CTEES).

En ce qui concerne l’Ehpad du futur, l’Anap a publié un document en juillet 2020 intitulé « Transformation de l’EHPAD – S’adapter aux nouveaux besoins des personnes âgées ». Nous y présentons les principaux axes sur lesquels travailler, de son ouverture à l’évolution de l’offre, de son fonctionnement interne aux dynamiques contemporaines que sont le numérique et la RSE. Dans le cadre de notre prochain Contrat d’Objectif et de Performance (COP) avec l’Etat, nous avons bien l’intention d’approfondir ces différents domaines.

Je souhaite enfin lancer un appel aux professionnels de terrain qui nous lisent. Si vous êtes intéressés par les enjeux de la transformation de l’offre et de la performance, rejoignez les réseaux d’experts de l’Anap ! Nous avons besoin de nombreux profils techniques pour réaliser ensemble les travaux relatifs à l’Ehpad de demain. 


Retour aux actualités


Commentaires

Vous devez être identifié pour pouvoir lire ou écrire un commentaire