Entretien avec Blandine DELFOSSE, présidente de la Ffidec
Présidente de la FFIDEC, Blandine Delfosse revient sur les principales annonces du rapport de Myriam El Khomri qui concernent les infirmières coordonnatrices. Une occasion de mieux prendre en compte tous les enjeux de ce document.
les aides-soignantes qui
s’engagent dans la durée.”
Le Journal du Médecin Coordonnateur : Vous aviez souligné l’état d’urgence dans lequel se trouve le secteur des Ehpad pour recruter et fidéliser les personnels lors des dernières Assises des médecins coordonnateurs et des Idec. Le rapport El Khomri est-il à la hauteur des attentes ?
Blandine Delfosse : Nous sommes évidemment satisfaites de ce rapport pour ce qui concerne la rémunération des aides-soignantes et les augmentations des effectifs. Pour autant, ce document ne semble pas tenir compte du phénomène de précarisation volontaire de la profession que j’avais déjà dénoncée lors des dernières Assises. Il faut bien être conscients qu’aujourd’hui, il est bien plus rentable pour une aide-soignante d’être recrutée en CDD qu’en CDI, ces dernières n’hésitant pas à faire du nomadisme professionnel, ce qui fragilise grandement l’équilibre des établissements. Il faut d’urgence récompenser, pourquoi pas par le biais d’une prime au CDI, les salariées qui souhaitent s’inscrire dans la durée dans le projet de l’établissement. D’autre part, il faut noter que si le chiffre de 18 500 recrutements annoncés chaque année jusqu’en 2024 peut être impressionnant, il correspond en fait à une revalorisation des indicateurs GMP et Pathos prévue dans les mois qui viennent. Ces estimations ne sont en fait que des fausses annonces.
Le JMC : Au-delà de la question des effectifs et de la rémunération, le rapport insiste sur le renforcement de la formation (notamment ASG) et des évolutions de carrière des aides-soignantes. Cette question est-elle cruciale pour fidéliser les personnels ?
B.D. : Cette question est absolument essentielle. En effet, si les ASH ont la possibilité de devenir un jour aide-soignantes et les infirmières devenir infirmières coordonnatrices, il est plus difficile pour une aide-soignante de devenir infirmière. Cette perspective peut vite devenir décourageante au regard de la rémunération et des conditions de travail. Dans ces conditions, la généralisation de la formation d’assistant en soins gérontologiques peut apparaître comme un plus. Je suis en revanche contre la multiplication de postes d’aides-soignantes coordinatrices qui introduit de fait une notion de management. La notion d’AS référente qui existe déjà me semble plus adaptée. En effet, le fait de confier des missions de coordination à une autre personne que l’Idec perturbe en général l’équilibre des équipes car bien vite peuvent apparaître des conflits de légitimité.
Le JMC : De la même façon, la formation en management des cadres de proximité est également une priorité et les Idec sont évidemment visées. Quelles-sont vos besoins en la matière ?
B.D. : Cela fait des années que les Idec réclament une vraie formation dans ce domaine où les besoins sont énormes, en particulier pour les infirmières qui sont devenues Idec à l’occasion d’une promotion interne et qui ne tardent pas à se retrouver en difficulté malgré leurs compétences cliniques et techniques. Ecouter une équipe, l’accompagner, la mobiliser autour d’un objectif commun cela ne s’improvise pas et un mauvais management peut avoir des impacts très graves sur la qualité de vie au travail et sur la qualité de prise en soins. Il est donc plus qu’urgent d’agir !
Le JMC : Le fait de ne plus passer par un concours pour une aide-soignante ne risque-t-il d’avoir un impact sur la qualité du profil des personnels recrutés ?
B.D. : Cette proposition du rapport est pour le moins inquiétante car elle se situe dans le droit fil de la réforme de Jean-Louis Borloo en 2005 qui avait souhaité faire de ces métiers d’aides-soignantes un outil d’insertion sociale avec les résultats que l’on connaît sur les compétences des professionnelles. Le rapport souhaite que la formation d’aides-soignantes devienne gratuite mais c’est déjà le cas depuis longtemps par le biais de Pôle emploi qui la finance. D’autre part, la suppression du concours est une illusion tant sa réussite est facile à l’heure actuelle. Considérer que les exigences autour de l’exercice de ce métier doivent disparaitre me paraît un jeu dangereux car ce postulat aura forcément un impact sur la qualité de l’accompagnement des résidents et l’équilibre des équipes.
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