EHPAD : des résidents déprimés
Une enquête de la DREES publiée en ce mois de janvier 2020 révèle l’état psychologique dégradé d’un tiers des résidents en Ehpad.
La Direction des Etudes du Ministère, la DREES, vient de publier l’enquête CARE effectuée en 2015 et 2016 qui montre – mais est-ce vraiment une surprise – que l’état psychologique des résidents est globalement moins bon que celui des personnes vivant à domicile. Le manque d’appétit par exemple est deux fois plus fréquent en Ehpad qu’à domicile tandis que le manque de motivation pour effectuer des activités quotidiennes est sept fois plus important en établissement qu’à domicile. Quand 50% des résidents d’Ehpad consomment des antidépresseurs, seuls 15% le font à domicile. Au final, si un tiers des résidents en établissement sont en situation de détresse psychologique, un quart seulement des plus de 75 ans vivant à domicile le sont.
Il est vrai que l’entrée même en établissement est déjà vécue comme un choc psychologique puisque 91% des résidents déclarent y entrer en raison de leur état de santé ou de leur âge. Le veuvage et/ou l’isolement social est également un critère non négligeable dans le processus d’entrée en Ehpad. Raison aussi pour laquelle on ne compte que 9% de résidentes encore en couple contre 73% de résidentes veuves.
L’enquête CARE nous indique également que 25% des résidents manquent d’appétit, qu’un tiers ont des problèmes de sommeil et que la moitié souffre de fatigue ou d’épuisement. Mais la durée de vie dans l’établissement entame aussi l’énergie des résidents. Quand 14% des résidents de moins d’un an déclarent n’effectuer aucune activité quotidienne, ils sont 22% parmi les résidents hébergés depuis plus de 5 ans. Mais en matière d’activités quotidiennes, la différence entre Ehpad et domicile est flagrante : 2% seulement des 80-90 ans vivant à domicile déclarent ne réaliser aucune activité quotidienne contre 19% des résidents du même âge. Comme si aux tâches domestiques qui rythmaient une vie à domicile se substituaient une délégation de ces tâches au personnel de l’établissement.
L’enquête évalue ensuite le score de bien-être dit MH5 qui évolue sur une échelle de 0 à 100. Le seuil de 55 est généralement celui au-dessous duquel on peut parler d’état de détresse psychologique. Les deux graphiques montrent avec évidence que le bien-être est inférieur en Ehpad qu’à domicile. 16% seulement des résidents en Ehpad ont un score supérieur à 80 contre 32% des personnes de 75 ans et plus vivant à domicile.
Résultat : 47% des résidents en Ehpad ont reçu au moins trois délivrances d’antidépresseurs dans l’année contre seulement 14% des personnes âgées vivant à domicile. Sans qu’on sache réellement si une telle différence est positive (meilleurs prise en charge des problèmes psychologiques en Ehpad) ou négative (les personnes y sont réellement plus déprimées). Mais en Ehpad, d’autres critères jouent : notamment la capacité de nouer des relations sociales à l’intérieure de l’établissement. Si 13% des résidents déclarant n’avoir aucun problème pour nouer des relations sont en dépression, ils sont 23% parmi ceux qui ont à l’inverse du mal à nouer des relations sociales. Rester en contact avec les autres, y compris en Ehpad, devient alors un enjeu majeur de santé publique. Notamment avec les proches aidants. Dès lors que les relations avec les proches aidants sont altérées, alors dans 72% des cas, le résident se sent en détresse psychologique.
Seul petit bémol suite aux enquêtes de la DREES : on ne sait ni où ni quand ni avec qui il est possible de tirer les conséquences de telles statistiques. Elles restent ainsi à circuler entre chercheurs et statisticiens sans tenter de leur trouver un débouché opérationnel alors qu’à l’évidence les leçons pratico-pratiques à tirer de ces enseignements seraient nombreuses.
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