Debout les vieux !
Alors qu’une récente enquête du Cevipof montre le déficit de démocratie dont souffrent les retraités, la loi ASV est peut-être en train de rater le pari de la participation des seniors. Il est encore temps de ne pas rater ce rendez-vous.
Le Centre de la vie politique française (CEVIPOF), organisme dépendant de Sciences-Po Paris, vient de sortir une vaste étude politique portant sur un panel de 25.000 personnes lorsque généralement les sondages que vous lisez dans la presse chaque jour ne porte que sur un petit millier de français.
Que nous dit cette étude ? D’abord que c’est chez les retraités que la proportion d’enquêtés considérant que les hommes politiques se préoccupent « beaucoup ou assez » de ce qu’ils pensent est la plus faible: 10% contre 13% chez les « 25-34 ans » et 16% chez les « 18-24 ans ». Ce sentiment d’abandon est d’ailleurs plus marqué encore dans les communes de 2.000 à 10.000 habitants où cette proportion tombe à 8%.
Des retraités politiquement frustrés
Par ailleurs, la proportion des seniors pensant qu’en France la démocratie fonctionne « bien ou très bien » est de 53% quand elle est de 57% chez les 18-24 ans, population qu’on décrit pourtant comme particulièrement critique.
Cette enquête met en évidence une véritable défiance, relativement nouvelle par rapport aux enquêtes précédentes, des retraités envers les politiques et plus généralement envers la façon dont ils sont considérés par les responsables politiques. Il ne faudrait pas que cette « frustration » émousse ce qui faisait jusqu’ici la caractéristique principale du vote des Séniors : leur aversion pour les extrêmes.
CDCA et Haut Conseil de l’Age : ne pas rater ces rendez-vous
C’est dans ce contexte, aussi, qu’il faut lire les décrets d’application – actuellement en préparation – sur les Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l’Autonomie (CDCA) et sur le Haut Conseil de l’Age, de l’Enfance et de la Famille, institutions créées par la loi ASV. Et la conclusion est claire : nous sommes probablement en train de rater un coche en reproduisant dans ces textes le vieux logiciel des précédentes décennies.
Le projet de décret fixant la composition des CDCA reproduit en gros ce qu’étaient les CODERPA. Pas de grand changement au-delà du fait que les associations de retraités…y pèsent encore moins qu’avant ! La place des organisations syndicales autant que la nécessaire diversification des acteurs fait dans cette instance des retraités des acteurs parmi d’autres. Et puis quels retraités ? Ceux issus d’associations dont le retraité lambda ne connaît même pas l’existence. Non seulement les retraités n’ont pas la place qu’ils devraient avoir mais ils l’ont à travers des associations nationales de retraités qui généralement ont, au plan local, une existence aussi virtuelle que fantomatique.
De ce point de vue, nous sommes tous en train de manquer une formidable opportunité qui nous était offerte de renouveler totalement l’essence même de ce genre d’instance de représentation. La loi ASV est en passe de rater le passage au 2.0. de la démocratie participative des retraités. Nous connaissons tous dans nos communes des retraités dont le poids, dont l’influence, dont l’énergie, dont la capacité de réflexion et d’expression détonnent. Ce ne sont pas ceux, malheureusement, qu’on retrouvera autour de la table des CDCA demain. Pourquoi ne pas se donner un peu de temps pour sortir du schéma classique au lieu de prendre des décrets qui plomberont durablement tout essai de renouveler profondément les modalités de la prise de parole des personnes âgées ?
Idem pour le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Age. Est-il encore temps de revenir sur cette bévue ? Car soyons clairs : on ne trouve personne dans le secteur du grand âge pour trouver pertinente l’idée que mêler enfance, famille et vieillissement assurera une meilleure visibilité des sujets « personnes âgées ». Michèle Delaunay avait pensé un Haut Conseil de l’Age placé directement auprès du Premier Ministre en lieu et place d’un Conseil National des Retraités et Personnes Agées placé auprès du Secrétaire d’Etat aux personnes âgées. Et alors que ce progrès essentiel en terme de visibilité et d’efficacité était en train de voir le jour, la secrétaire d’Etat suivante, notamment parce qu’elle avait aussi dans son portefeuille l’enfance et la famille a choisi de privilégier un organisme très transversal qui a aussi, évidemment, sa logique en terme d’échanges entre les générations.
Mais on le sait bien : le secteur de l’âge est veuf de « son » organisme. Un organisme, là encore, qui aurait donné aux retraités et personnes âgées la visibilité et l’influence qui leur manquent tant.
A l’aune de ces différents éléments contextuels la question se pose : n’est-il pas encore temps pour Pascale Boistard de profiter d’un véhicule législatif à l’automne pour redonner aux retraités un vrai Conseil de l’Age ?
Et n’est-il pas temps, plus largement, de s’interroger globalement sur le déficit de participation démocratique que ressentent eux mêmes les retraités avant de graver dans le marbre des outils règlementaires…d’un autre âge ?
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