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© Mathieu Delmestre

20 avril 2022

D’accusés à procureurs…

L'affaire Orpéa/Les Fossoyeurs a provoqué un tsunami dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences. Pour l’heure, le soufflé médiatique est un peu retombé laissant place à un secteur désormais dévasté par le doute.

Car ne soyons pas naïfs, quelques soient les reproches à faire à Orpéa, la déflagration s’est diffusée bien au-delà de ses murs. Les témoignages nous reviennent par vague : la profession a le blues. Pourquoi consacrer sa vie entière à s’occuper de personnes âgées pour se faire insulter par les familles ? Pourquoi vouer ses journées à gérer la vieillesse fragile pour se faire clouer au pilori par des médias qui, certes, glissent toujours au milieu de leur phrase un « oh évidemment la majorité des Ehpad font du bon travail » après avoir passé 10 minutes à les décrire comme étant l’enfer sur Terre ? Comment imaginer que les 16-25 vont désormais avoir pour rêve de venir travailler dans ces lieux malfaisants ? Et quand on est un honnête professionnel gérant un Ehpad commercial comment continuer à supporter de voir sa mission sociale perpétuellement accolée aux lieux communs des politiques et des journalistes qui usent et abusent d’un vocabulaire (« or gris » « business »…) insultant ?

Quand on pense que cette profession a tenu bon durant toute l’année 2020 faisant face, avec courage et dignité, à une crise sanitaire sans précédent, on enrage de voir à quel point certains se sont essuyés les pieds sur elle au cours des dernières semaines.

Heureusement, l’effet conjugué de la crise Covid et de l’affaire Orpéa allaient inévitablement mettre la question du grand âge au cœur du débat présidentiel. Après le concert d’indignation joué par l’ensemble des responsables politiques, on allait voir ce qu’on allait voir. On a vu Richard Ferrand, marcheur en chef, demander quasiment l’interdiction des Ehpad privés. On a vu des parlementaires remettre dans les toutes dernières journées de la législature des rapports « flash » qui recensaient au fond tout ce que ces parlementaires … n’ont pas eu l’idée de faire pendant 5 ans. On a même vu le candidat Macron emprunter son slogan à Olivier Besancenot : « Leurs vies valent mieux que leurs profits ». Ah si au lieu de jouer le Trotsky d’un jour, le président avait tenu sa promesse d’une loi Grand Âge, cela aurait été à coup sûr un peu plus révolutionnaire qu’un momentané effet de tribune.

Mais de débat, il n’y eut point pendant cette campagne, même si quelques minutes furent consacrées aux Ehpad en plein débat télévisé d’entre-deux tours : probablement une première dans notre histoire. Quant aux propositions des principaux candidats, elles furent, sur nos sujets, d’une rare indigence. Encore une occasion ratée d’un grand débat public sur le vieillissement et ses conséquences.

Pourtant, la vie continue. Avec ses bons côtés – le référentiel qualité de la HAS est enfin sorti ce qui constitue une vraie avancée largement décrite dans ce numéro – et ses emmerdes – le lancement à l’automne d’une campagne d’inspection des 7500 Ehpad comme si, une fois de plus, les accusés c’était eux.

Avec la victoire d’Emmanuel Macron le 24 avril, il va donc falloir remettre l’ouvrage sur le métier. Mais cette fois, il faudra changer de posture : du banc des accusés, les directeurs d’Ehpad devront se déplacer vers le banc des procureurs. Ils devront dire qu’ils en ont marre de se prendre des baffes au nom d’une société qui continue à ne pas vouloir affronter en face le défi du vieillissement.

Luc Broussy


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