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23 avril 2020

COVID-19 : les IDEC aux commandes

Alors que la crise frappe de plein fouet les Ehpad, les Idec sont parfois les dernières digues avant l’effondrement, mais rester sur le pont envers et contre tout n’est pas sans conséquences. Témoignages de celles qui sont au front.

La crise inédite qui frappe aujourd’hui notre pays et particulièrement les Ehpad, vient confirmer, pour ceux qui en doutaient encore, le rôle prépondérant des Idec dans la gestion de cet épisode, surtout dans les établissements qui ne comptent plus aucun médecin coordonnateur. Dès le début de cette crise, celles-ci ont tout d’abord eu la lourde tâche de mettre en œuvre les mesures minimales de protection à la vitesse de l’éclair, en se heurtant aux réactions parfois hostiles des familles qui ont eu du mal à prendre la mesure de tous les enjeux de l’épidémie qui était en train de frapper. « Dès le début du mois de mars, nous étions en difficulté car notre volume de masques et de gel hydroalcoolique avait été dérobé. J’ai sollicité nos fournisseurs habituels, mais ils étaient déjà en rupture de stock et devant l’absence de réponses de l’ARS, j’ai dû aller dans un magasin de bricolage pour me doter, mais cette formule était loin de suffire. Cela m’a obligé pendant des semaines à gérer les stocks de façon militaire, et à distribuer le matériel au quotidien contre signature », témoigne Delphine Marchant-Bianchi, Idec au sein de l’Ehpad André-Louis Bienvenue – Refuge des cheminots, dans les Alpes-Maritimes. Si la situation s’est quelque peu améliorée depuis le 25 mars, le matériel se fait toujours rare et le sentiment dans nombreux établissements, est bien d’être parti à la guerre sans arme.

S’adapter sans cesse

Autre défi, presque simultané pour les Idec : la réorganisation des services en tenant compte des recommandations contradictoires et parfois inapplicables des pouvoirs publics. « Le confinement des résidents en chambre, préconisé par les pouvoirs publics était impossible à mettre en place chez nous car nous avons des chambres doubles, mais également pour des raisons beaucoup plus pratiques comme le portage des repas. Nous avons donc dû nous adapter », détaille Corinne Beaudoin, cadre de santé au sein de l’Ehpad Sainte-Sophie en Meurthe-et-Moselle. Il s’est donc agi pour elle de segmenter les services habituellement répartis sur trois étages, puis de à nouveau diviser ces derniers en zones de 10 résidents environ, pour limiter au maximum les contacts. Et comme si cela ne suffisait pas pour les Idec, il a fallu aussi mobiliser les personnels malgré la pénurie, sensibiliser et rassurer encore et toujours. « Ces nouvelles organisations ont impliqué beaucoup de temps d’information aux personnels pour expliquer les fondamentaux et les fonctionnements. Nous ne réunissons tous les jours pour faire le point. Ces moments sont très chronophages mais sont essentiels », rappelle Céline Folmar, infirmière coordonnatrice au sein de l’Ehpad du Manoir à Gerstheim dans le Bas-Rhin.

Faire face, jusqu’à l’épuisement

Dans cette période de crise, un autre défi est de gérer les différents imprévus qui viennent forcément émailler la vie de l’établissement, comme par exemple les défections massives de personnel. Delphine Marchant-Bianchi, seule aux manettes depuis la mise à l’isolement de son médecin coordonnateur, en a fait l’expérience. « Lorsque nous avons mis en place les premières mesures de confinement, une grande partie des ASH ont été mises en arrêt maladie. De plus, nous travaillons avec des vacataires qui ne connaissent pas les fondamentaux des mesures barrières et du travail en Ehpad. Nous avons fait appel à des bénévoles pour pallier ces manques mais il faut les former… ». Cette fameuse pénurie conduit bien souvent les IDEC à multiplier les journées à rallonge en frôlant l’épuisement professionnel. Infirmière coordonnatrice au sein de l’Ehpad La Tournelle à Garenne-Colombes dans les Hauts-de-Seine, Blandine Delfosse a dû faire face durant plusieurs jours pour pallier les manques de personnel. « Dès le début du mois d’avril, après avoir testé l’ensemble du personnel, nous avons séparé l’Ehpad en deux ailes. La première concerne les salariés et les résidents COVID négatifs et l’autre les salariés et résidents COVID positifs dont je fais partie. Certes, nous avons des protections, mais rien ne nous dit qu’elles sont suffisantes, les maques FFP2 étant réservés à l’hôpital. Nous évoluons dans un environnement dans lequel la charge virale est très importante. C’est épuisant. »

Vivre avec la peur

Mais il est une charge plus dure encore : la peur. Peur d’infecter les résidents ou ses proches de retour chez soi, peur des effets de plus en plus délétères d’un confinement qui ne cesse de se prolonger, peur de ne pas pouvoir faire face à un déferlement de décès, alors que les hôpitaux, dans certaines régions en tension, ne peuvent tout simplement plus répondre aux appels des établissements. Celine Folmar témoigne : « On a parfois l’impression d’être sur une île déserte avec la mort qui rôde autour de nous. Cette épée de Damoclès est très dure à gérer. Il faut prendre un jour après l’autre car si l’on pense trop à demain, la situation est intenable… »


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