Coût des repas : de la polémique absurde…
Depuis plusieurs mois, la question du coût journalier d’un repas en Ehpad est au cœur d’un débat totalement absurde et malveillant. Un débat qui a pris une tournure carrément indécente avec le décès de 5 résidents à l’Ehpad de Lherm.
Tout a commencé dans les « Pièces à conviction » et autres « Envoyé Spécial » diffusés l’an dernier par France 3 et France 2. Un Rouletabille de pacotille annonçait avec la voix grave du journaliste ayant découvert le scandale du siècle qu’on servait dans les Ehpad privés commerciaux des repas pour l’équivalent de 4,30€ par personne et par jour.
Balancé comme cela, ce chiffre a évidemment fait mouche auprès du grand public. « Quoi ??? A peine plus de 4 euros/jour pour 4 repas par jour ? Mais c’est scandaleux ! » ont du ainsi s’écrier plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs devant leur écran. En effet, que peut-on donner à manger à une résidente de 90 ans pour 4,30€ par jour, le prix de trois pains au chocolat ?
Evidemment, la réalité est bien plus compliquée. Et probablement trop pour que les journalistes non spécialisés se donnent la peine d’aller plus loin dans le détail. Alors faisons-le ici pour eux.
Pour cela, nous avons demandé à un grand groupe privé français comment il travaillait. Premier constat : ledit groupe sert… 15 millions de repas par an dans ses établissements médico-sociaux. Ce qui donne déjà la mesure de ce qui peut être mutualisé et négocié. On est bien loin de l’établissement qui va faire ses courses à la supérette du coin… Dès lors, la notion même de coût d’achat des vivres prend une autre dimension.
Dans ce groupe – et il est dans la moyenne de ce que pratiquent les autres – le coût journalier tout compris est de 14,26€ HT/jour. Un tarif qui prend en compte, outre les vivres, la maintenance, le renouvellement du matériel, l’équipement et les charges de personnels. Sur ce 14,26€/jour, le coût des denrées représente environ un tiers du coût total, soit 4,73€.
Ce coût journalier de 14,26€ est aussi différent selon la zone géographique et peut ainsi varier de plus de 30%, passant d’environ 13,80€ en province à près de 18,50€ dans les établissements situés dans Paris intramuros.
Une étude a été réalisée pour évaluer le coût de revient alimentaire des produits nécessaires à la réalisation de la semaine de menus pour une famille de 4 personnes – 2 enfants, 2 adultes – s’approvisionnant dans une grande surface d’enseigne nationale ainsi que dans un magasin de hard discount et ce pour un petit déjeuner (une boisson chaude, du beurre, de la confiture, du pain), un déjeuner (entrée, plat garni, plateau de fromages, dessert, pain), un goûter et un dîner (potage, plat garni, fromages, dessert, pain). Le budget hebdomadaire de cette famille pour une semaine s’établit à 176€TTC soit 6€ TTC/jour et par membre de la famille pour les achats réalisés dans la grande surface d’enseigne nationale et de 152,05€ TTC soit 5,43€ TTC/jour et par membre de la famille pour les achats réalisés dans le magasin de hard discount.
Le débat qui fait rage aujourd’hui ne prend jamais en compte ces éléments : une journée denrées pour une famille de 4 personnes coûte à peine plus que la journée denrées pratiquée dans un Ehpad faisant partie d’un groupe qui livre chaque jour des milliers de repas. Un 4,50€/jour a donc moins à voir avec la « non-qualité » qu’avec la quantité.
Poussant l’absurdité plus loin encore, Jean Arcelin, l’auteur d’un récent brûlot contre les Ehpad, a publié sur le site Atlantico une interview dans laquelle, divisant ce 4 euros par le nombre de repas quotidien, il lance péremptoire : « Une large majorité des 700 000 personnes en Ehpad mangera, pour le reste de sa vie, des repas à 1€ ». Un pas de plus dans le délire : voilà maintenant qu’un déjeuner coûte… 1 € !
Pourtant des opérations comme Silver Fourchette ou Maison Gourmande et Responsable menées respectivement par le groupe SOS ou la FNAQPA ou le combat mené par le Collectif de lutte contre la dénutrition participent d’une prise en compte croissante de l’importance des repas en Ehpad. Là est la paradoxe : jamais la restauration n’a été autant de qualité en Ehpad, jamais elle n’a été autant critiquée.
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