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Olivier Véran, ministre de la santé et Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT, chargée de coordonner le « Segur de la Santé ». © REUTERS / POOL - stock.adobe.com

16 juillet 2020

Comprendre ce qui se passe en 4 étapes

Parfois, l’actualité est raplapla. Parfois, elle connaît un brusque coup d’accélérateur au risque même d’en perdre ses repères. Heureusement… le Mensuel des Maisons de Retraite est là pour rendre tout ça beaucoup plus clair. C’est parti !

Depuis la sortie de la crise sanitaire, l’actualité politique et institutionnelle s’accélère au point que les évènements s’enchevêtrent sans qu’on soit toujours capable d’en comprendre toujours la cohérence.

1ère étape : la 5ème branche

Tout commence avec l’annonce mi-mai par Olivier Véran de la création d’une 5ème branche. Une annonce qui, il faut bien le dire, a surpris tout le monde, fédérations comme parlementaires qui, il est vrai, sont, dans la république macroniste, bien souvent les derniers informés. Or, l’affaire a été aussi surprenante que rondement menée. A peine la nouvelle connue, Olivier Véran faisait adopter en un temps record deux projets de loi en Conseil des Ministres. Des projets qui avaient principalement trois objectifs :

  • repousser le remboursement de la dette sociale de 2024 à 2033 en chargeant la barque de la CADES des 130 milliards générés par la crise du Covid-19 ;
  • créer un compte autonomie et dépendance votée chaque année par le Parlement dans le cadre du PLFSS; c’est ce compte qu’on appelle aujourd’hui 5ème branche.
  • affecter à ce compte 0,15 point de CSG, soit 2,3 milliards d’euros. Mais seulement à partir de 2024.

Ce même projet de loi prévoit qu’un Rapport sur les contours de cette 5ème branche sera remis au Parlement d’ici le 30 septembre. Entre temps, on a appris que ce Rapport était confié à Laurent Vachey, inspecteur des finances, celui-là même qui fut entre 2008 et 2011 directeur général de la CNSA.

2ème étape : le Ségur de la Santé

Parallèlement, le Ségur de la Santé animé par l’ancienne secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat, a été lancé en mai pour aboutir début juillet. Mais au lieu de s’attaquer à la question des carrières et des métiers, ce « Ségur » ne se sera limité qu’à une grosse négociation salariale entre un Etat employeur et les médecins de ses hôpitaux publics… Longtemps, le médico-social a estimé être mis de côté. A fortiori quand il était, comme la Fehap et le ­Synerpa, privé. Puis quand est venue enfin l’occasion d’une réunion particulière avec Nicole Notat, celle-ci est parti au bout de 50 minutes laissant ses collaborateurs terminer la séance. Puis, au fil de l’avancée des travaux, les grandes centrales syndicales se sont crispées au vu de la somme mobilisée – 7 à 8 milliards d’euros – jugée par elles insuffisante.

Mais finalement, le 10 juillet, la CFDT donnait son accord pour un plan de 7,5 milliards d’euros se concrétisant par une augmentation de 183€/mois de la rémunération des personnels hospitaliers non médicaux. « La plus grosse augmentation de revenu jamais proposée dans ce pays » s’est félicité le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. Quant à Yves ­Veyrier, de Force Ouvrière, il saluait « un compromis qui a de l’allure ».

En pratique, 998.000 salariés de la fonction publique hospitalière et 490.000 salariés du privé vont bénéficier de cette revalorisation « socle » de 183 euros net par mois délivrée en deux étapes, 90 euros en septembre 2020 puis 93 euros en mars 2021. Les Ehpad bénéficieront aussi de ce complément de traitement indiciaire sauf dans le secteur commercial où la revalorisation sera limitée à 160 euros netssoit environ 230 euros bruts.

Dernière question en suspens : le périmètre des bénéficiaires. Est-ce que le « personnel non médical » ira jusqu’aux personnels émargeant sur l’hébergement ? Oui peut-être dans les Ehpad publics ? Sûrement pas dans les Ehpad commerciaux qui, jaloux de leur liberté tarifaire, ne veulent pas ici de subvention d’aucune sorte.

3ème étape : le PLFSS pour 2021

Plus loin dans l’année va venir le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2021. Ce PLFSS pourrait, a dit Olivier Véran, abonder le secteur à hauteur de 1 milliard d’euros supplémentaire. Une telle évolution représenterait une hausse deux fois plus importante que l’Ondam pour 2020 qui, avec près de 500 millions d’euros de mesures nouvelles, était déjà d’un niveau inhabituellement élevé. Il faudra toutefois le voir pour le croire car les propos tenus sur ce sujet à l’Assemblée nationale étaient suffisamment flous pour qu’on ne soit sûr de rien.

En tout état de cause, le PLFSS de l’automne sera un rendez-vous important. Pourquoi ? Parce que le Gouvernement a, pour l’heure, fourni trois efforts majeurs. Le premier, ce sont les 900 millions d’euros distribués récemment par la circulaire budgétaire mais qui n’apportaient aucun moyen supplémentaire puisqu’ils ne venaient que compenser le coût de la crise (primes aux salariés et pertes d’exploitation). Le second, ce sont les 2,3 milliards d’euros évoqués plus haut mais qui n’arriveront à destination qu’en… 2024. Et le troisième, vu plus haut, c’est l’effort du Ségur de revalorisation des rémunérations.

Mais dans tout cela, pas un euro, pour augmenter les ratios de personnel, mieux médicaliser les Ehpad ou soutenir les services d’aide à domicile. Ces défis seront ceux du PLFSS pour 2021. Rendez-vous crucial donc à l’automne.

4ème étape : La loi Grand Âge

Pour autant, tout ça ne doit pas faire oublier la loi Grand Âge. Promise par le Président de la République en juin 2018, alimentée au printemps 2019 par les conclusions du rapport Libault, remise à plus tard par Agnès Buzyn, elle est désormais prévue pour la fin de l’année afin d’être présentée au Parlement dans le courant du premier trimestre 2021.

Mais pour l’heure, il n’existe toujours aucun projet de loi. Les fédérations, fin juin, puis début juillet, ont été réunies en visio par la DGCS qui a présenté quelques slides qui posaient plus de questions qu’ils n’apportaient de réponses. Surtout, les participants ont jugé ces propositions ou ces pistes de travail relativement conservatrices par rapport à l’ambition du rapport Libault. Il va falloir donc muscler tout ça : tel sera la mission essentielle du Ministère dans les semaines qui viennent.


Gouvernance : la bataille des Ehpad
Les Ehpad se sont émus de la rumeur d’un « deal» entre Macron et Bussereau confiant le médico-social aux seuls départements.

En matière de gouvernance, le Rapport Libault avait en son temps évoqué trois scénarios : le premier consistait à faire de l’ARS « l’interlocuteur de gestion unique pour l’ensemble de l’offre, en établissement comme à domicile ». Le deuxième consistait à tout confier au Département. Le troisième consistait à confier le pilotage aux ARS sauf dans les Départements voudraient de voir déléguer plus de compétence.

Un bout du projet de loi qui circule actuellement entre Olivier Véran et Jacqueline Gourault semble proposer que le domicile (y compris les Ssiad) aillent aux départements pendant que les Ehpad partiraient sous le seul giron des ARS. Scénario ubuesque au moment même où l’on théorise la complémentarité entre Ehpad et domicile. Mais inacceptable pour les Départements qu’on priverait de la compétence sur les Ehpad.

Mais il aura fallu que la rumeur d’un accord entre Emmanuel Macron et Dominique Bussereau, président de l’Assemblée des Départements de France sur un scénario confiant tout le médico-social aux Départements bruisse pour qu’elle mette le feu aux fédérations médico-sociales qui, dans un communiqué commun, ont dénoncé « une décision » qui «  serait une double faute politique: sur la forme, parce qu’elle aurait été prise dans le dos des acteurs du grand-âge; sur le fond, parce qu’elle accroîtrait les inégalités déjà existantes entre les territoires ».


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