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Les news de février 2018 analysées par nos soins
L’équivalence certification – évaluation toujours pas arrêtée
La dualité de la régulation de la qualité dans l’aide à domicile est connue, ancienne, problématique et en passe d’être réglée… ou presque. Rappelons en les termes. D’un côté, un système public : l’agrément, dont la première version date de 1992, puis l’autorisation depuis la loi du 2002-2, et enfin le régime d’autorisation unique pour les SAAD prestataires depuis la loi ASV, le tout couronné par des évaluations internes et externes. De l’autre, un système privé, reconnu par les pouvoirs publics, de certifications mises en place depuis la fin des années 1990 : Qualicert, AFNOR et Qualisap (bureau Véritas).
Or, autant dans le cadre de l’agrément, une équivalence totale existait avec les certifications, ce qui dispensait les organismes certifiés d’évaluation externe, autant dans le cadre de l’autorisation, cette équivalence n’est pas acquise. La conséquence ? Condamner les organismes certifiés à une double peine : double système qualité et double coût, celui de la certification et celui de l’évaluation externe.
Le législateur a fini, un an et demi après la promulgation de la loi ASV, par être sensible aux arguments des SAAD certifiés et réputés autorisés par cette loi. Un décret est donc paru le 2 mai 2017 et il prévoit que « lorsque le référentiel de certification d’un organisme […] respecte l’ensemble des conditions du cahier des charges mentionné à l’annexe 3-10 du code de l’action social et des familles (NDLR le cahier des charges national des services d’aide et d’accompagnement à domicile), la certification qui en découle vaut évaluation externe ».
Décret qui règle donc le problème… à condition que paraissent des arrêtés d’équivalence entre les référentiels des certifications en question et le cahier des charges des SAAD. Or ces arrêtés se font toujours attendre, plongeant les SAAD certifiés dans une insécurité juridique, à moins qu’ils n’engagent par précaution une démarche d’évaluation externe avec le double coût que cela représente et, in fine, le risque de fragilisation supplémentaire de leur équilibre économique.
Les fédérations professionnelles n’ont pas manqué de réagir à cette situation par courriers et par communiqués de presse. La FESP a écrit le 9 janvier à la Ministre Agnès Buzyn « pour porter à sa connaissance l’inquiétude des structures d’aide à domicile certifiées face à l’absence de texte ministériel » reconnaissant les équivalences de référentiel et pour demander également « à connaitre le délai projeté par la ministre pour la publication de ce texte très attendu ». La Fedesap dénonce elle, les dysfonctionnements du système : « force est de constater que neuf mois après l’instauration de ce principe, l’instruction des dossiers des certificateurs par la DGCS n’est pas opérante » et demande donc que soit pris un « arrêté prorogeant de six mois les délais de transmissions des rapports d’évaluations externes pour tous les établissements ». En attendant donc les fameux arrêtés d’équivalence…
Le domicile solidaire des EHPAD
Quelle réaction le secteur de l’aide à domicile doit-il adopter face à la crise des EHPAD, dont un des points culminants a été la grève du 30 janvier dernier ? Ne subissant pas les mêmes critiques, il peut apparaître comme une alternative préférable à l’établissement et donc profiter de cette crise pour se présenter comme tel. C’est probablement ce que pensent, sans mot dire, nombre d’acteurs de l’aide à domicile. Ce n’est toutefois pas le positionnement adopté par la plupart des fédérations privées à but non lucratif de l’aide et des soins à domicile, qui ont choisi d’exprimer leur solidarité avec le mouvement.
Dans un communiqué commun du 26 janvier, Adessadomicile, l’ADMR et la FNAAPF/CSF annoncent qu’elles « partagent les revendications » des salariés des ESMS concernés par la grève. Les trois fédérations rappellent « en tant qu’employeurs » qu’elles « continuent et continueront d’interpeller les pouvoirs publics sur les difficultés du secteur, le manque de financement et la nécessité de travailler à améliorer les conditions de travail des salariés afin de revaloriser les métiers du secteur ».
Même type de prise de position du côté de l’Uniopss qui par communiqué le jour de la grève « plaide pour une refonte globale des établissements et services à domicile pour personnes âgées », c’est-à-dire « refonder en profondeur le modèle actuel des EHPAD et de l’aide à domicile » en considérant que « face à la croissance des besoins dans le secteur, l’insuffisance des moyens pour les personnes âgées est patente, que ce soit en établissement ou à domicile ».
L’expression d’une solidarité bienvenue entre acteurs de la prise en charge du vieillissement face à des pouvoirs publics qui peuvent avoir la tentation de déshabiller l’un pour habiller l’autre, comme cela a été le cas avec l’utilisation de l’excédent de la CASA cet automne. Une communication qui pose également la bonne question de fond, celle de l’effort financier que la société est prête à consentir pour s’occuper dignement de ses aînés, dont le nombre ira irrémédiablement en augmentant dans les décennies à venir.
Une proposition de loi pour le statut de l’aidant
Après la proposition de loi du 27 septembre visant à étendre le dispositif de dons de jours de repos non pris aux aidants familiaux, qui suit son cours parlementaire, après le projet de loi du 27 novembre sur une société de confiance, qui propose de donner un cadre légal au baluchonnage, après le rapport parlementaire d’information du 5 décembre sur la mise en application de la loi ASV qui propose entre autres, de s’attaquer au non-recours au droit au répit prévu par la loi ASV, et enfin, après le rapport Disposer de temps et de droits pour s’occuper de ses enfants, de sa famille et de ses proches en perte d’autonomie, adopté le 12 décembre 2017 par le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, c’est une nouvelle proposition de loi pour une reconnaissance sociale des aidants qui a été enregistrée le 24 janvier à l’Assemblée nationale, présentée par le député Pierre Dharréville et les 15 autres membres de son groupe (gauche démocrate et républicaine).
Elle vient conclure la mission « flash » conduite par le même député, qui fait concrètement quatre propositions pour doter les proches aidants d’un véritable statut et d’une reconnaissance sociale. Il s’agirait tout d’abord d’indemniser le congé de proche aidant avec une allocation qui serait définie par décret et financée par la CNSA. Ce congé de proche aidant serait étendu à un an par personne aidée au lieu d’un an tout court aujourd’hui. Il serait également possible de transformer ce congé en période d’activité à temps partiel ou de le fractionner, sans que l’accord de l’employeur ne soit nécessaire. Enfin, les proches aidants de personnes âgées dépendantes, à l’instar des proches aidants de personnes handicapées, verraient leur durée d’assurance vieillesse majorée, d’un trimestre par période de trente mois, dans la limite de huit trimestres.
La proposition de loi est pour l’heure renvoyée vers la commission des affaires sociales. Ce qui en adviendra in fine est plus incertain, car si le gouvernement et la majorité donnent le sentiment de vouloir sérieusement traiter le sujet, il est plus improbable qu’ils le fassent selon les termes posés par un député membre du PCF avec le soutien de tout son groupe.
le chiffre du mois :
C’est la somme que consacre la CNSA au financement des politiques d’aide à l’autonomie destinées aux personnes âgées et aux personnes handicapées, à partir de ses ressources propres (un peu moins de 30% du budget total) et des crédits d’assurance maladie qu’elle gère. C’est ce que rappelle la Cour des comptes dans un des tomes de son rapport public annuel.
Une fois n’est pas coutume, la Cour dresse un portrait positif de la CNSA, considérant qu’après une douzaine d’années d’existence, elle s’est « désormais imposée dans le paysage médico-social comme un acteur central » et que « des progrès ont été accomplis, notamment en ce qui concerne la répartition des moyens entre les agences régionales de santé, mais ils doivent être poursuivis ». La Cour des comptes considère également que « les aides individuelles (APA et PCH) continuent enfin d’être affectées par de grandes disparités territoriales ».
C’est en effet là, une fois de plus, que le bât blesse, l’hétérogénéité des politiques départementales en faveur des personnes âgées aboutit à ce que « la dépense moyenne par bénéficiaire de l’APA s’élève en 2014 à 4 374 € sur le plan national (y compris les DOM) », les écarts entre départements peuvent varier de plus du simple au double : « le montant le plus faible est celui de la Lozère (3 461 €) et le plus élevé celui de la Guyane (8 606 €) ». Et la Cour des comptes de demander en conclusion de « modifier les critères de péréquation pour l’attribution des concours de la CNSA en matière d’aide personnalisée pour l’autonomie (APA) et de prestation de compensation du handicap (PCH) pour compenser les disparités territoriales ». Un pas vers une CNSA officiellement garante de l’équité territoriale des politiques d’autonomie ?
Jean-Pierre Aquino, gériatre, délégué général de la Société française de gériatrie et de gérontologie, le 8 février 2018 lors du Colloque de l’Agirc-Arrco consacré à la prévention primaire.
- Le comité de pilotage national sur l’allocation des ressources des SAAD : décryptage
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